Par un jugement du 9 juillet, le tribunal administratif de Nancy a résilié le contrat pour la rénovation et l’extension de Grand Nancy Thermal à la date du 11 décembre 2022 au plus tard. Le président de la Métropole du Grand Nancy avait annoncé à plusieurs reprises son intention de faire appel de ce jugement (appel finalement déposé le 7 septembre). Le 23 août, l’association Le Bien commun a adressé à tous les élus de la majorité le courrier suivant :
Adresse aux élus de la majorité de la Métropole du Grand Nancy
Madame, Monsieur,
La Métropole a annoncé son intention de faire appel du jugement du tribunal administratif de Nancy, qui résilie le contrat de concession de Nancy Thermal. Persister dans cette voie serait prendre une lourde responsabilité.
Faire appel de ce jugement, ce serait tenter de sauver un projet qui offre aux usagers un service public dégradé : piscine de plein air réduite de moitié, délocalisée en bordure de la circulation de l’avenue du Maréchal-Juin, au pied des immeubles ; hausse de 27 à 150 % des tarifs d’entrée au bassin extérieur et à la piscine olympique ; piscine ronde devenue inaccessible pour beaucoup par des tarifs prohibitifs (16 € pour deux heures au lieu de 4,50 € sans limite de durée) ; impossibilité d’utiliser les pass valables pour les autres piscines de la Métropole, et inversement ;
Faire appel de ce jugement, ce serait tenter de sauver un contrat de concession qui prévoyait le versement de 86 M€ de subventions publiques à des sociétés privées dont le profit escompté est de 87 millions d’euros de dividendes, sans compter d’autres revenus (intérêts, redevances, frais de siège…).
Faire appel de ce jugement, ce serait vouloir « repêcher » un candidat qui, selon le tribunal administratif, s’est vu attribuer illégalement cette concession, alors qu’il aurait dû être éliminé de la consultation pour avoir enfreint la loi en ne respectant pas le cahier des charges.
Ce n’est pas pour cela que les habitants du Grand Nancy ont envoyé une nouvelle majorité à la Métropole.
Ne vous rendez pas complice de ce qui est avant tout une opération immobilière, commerciale et financière. Ne participez pas à ce scandale financier.
Vous pouvez engager la rénovation de Nancy Thermal, sa modernisation et la création d’un centre thermal sans dégrader le service public, sans puiser dans les finances publiques pour enrichir quelques actionnaires. Il faut revoir le projet – en tenant compte de l’état actuel du chantier – et ses conditions de financement, avant de lancer un nouvel appel d’offre. A ce jour, rien n’est encore irréversible.
Nous comptons sur votre attachement au service public, à la défense de l’intérêt des habitants et à la bonne utilisation de l’argent public.
Dans l’attente, veuillez recevoir l’expression de nos salutations distinguées. Nancy, le 23 août 2021,
Le Bien commun
PS. Vous trouverez ci-joint notre communiqué du 22 juillet.
Voici le texte du communiqué :
Personne ne peut défendre un contrat illégal
Le tribunal administratif de Nancy a rendu le 9 juillet sa décision concernant le recours contre le contrat de concession de Grand Nancy Thermal. Sur le fond, il donne raison aux requérants et sanctionne la Métropole : le contrat passé entre celle-ci et Valvital est illégal.
– En décidant, en cours de consultation, d’attribuer une subvention d’investissement de 25 M€ exclue par la délibération initiale et le dossier de consultation, puis en affectant également à l’investissement une contribution annuelle de 2,26 M€ pendant 27 ans, la Métropole n’a respecté ni la volonté des élu.e.s ni les règles de la concurrence. Et elle a enfreint la loi. Les requérants le disent depuis 2018, ils l’avaient écrit au président de la Métropole, au préfet, à la DIRECCTE. La Métropole a persisté, aujourd’hui la justice l’a sanctionnée.
– La subvention de 25 M€ a été ajoutée par la Métropole à la demande d’un candidat, Valvital. Conformément à la loi, ce candidat aurait dû être éliminé du processus de désignation du concessionnaire, car son offre initiale n’était pas conforme à la délibération votée par les élu.e.s et aux règles de la consultation. En l’autorisant quand même à participer à la suite de la consultation et en lui attribuant le contrat, la Métropole a encore enfreint la loi, la justice l’a sanctionnée.
De plus, l’offre de Valvital a été retenue alors que son projet est le plus coûteux :
– En termes d’investissement : 98 M€ (contre 72 M€ et 80 M€ pour les deux autres propositions). – Pour la collectivité : 86 M€ de subventions publiques sur 30 ans, qui plus est illégales.
– Pour les usagers : une hausse de 27 à 150 % des tarifs d’entrée au pôle Sports et loisirs (piscine olympique et bassin exterieur) ; un abonnement spécifique non valable dans les autres piscines du Grand Nancy ; l’entrée à la piscine ronde passant de 4,50 € sans limite de durée à 16 € pour deux heures.
Pourquoi ce projet coûte-t-il si cher ?
– Pour verser 87 M€ de dividendes aux actionnaires, notamment Valvital et Bouygues (rémunération du capital social au taux de 25 %).
– Pour payer 11 M€ d’intérêts sur un prêt à 7 % consenti par ces mêmes actionnaires.
– Pour verser à Valvital 18 M€ de « redevance de marque », ainsi que 50 M€ de « frais de structure et marge de l’exploitant », des royalties versées par le concessionnaire à sa maison mère en dehors de tout contrôle et non soumises à concurrence.
Les habitant.e.s du Grand Nancy ne sont pas lésé.e.s seulement en tant que contribuables : en tant qu’usagers ils disposeront, pour des tarifs en hausse, d’une capacité d’accueil du bassin extérieur réduite de moitié par rapport à la piscine Louison-Bobet, sur un emplacement beaucoup moins bien situé, le long d’une avenue passante et au pied des immeubles. Car ce projet, qui s’adresse d’abord à une clientèle haut de gamme, à des curistes, à des sportifs de haut niveau, et non aux usagers habituels de Nancy Thermal, est avant tout une opération immobilière, commerciale et financière.
Enfin, on ne peut que déplorer le saccage, par ce projet, d’un patrimoine architectural remarquable dans un quartier en partie École de Nancy : adjonction au bâtiment de Lanternier d’une construction de couleur noire et de type « bureaux », le tout recouvert d’un couvercle de même couleur appelé à masquer largement les fameuses coupoles si caractéristiques du site.
Pour toutes ces raisons, Le Bien commun se félicite que le Tribunal administratif de Nancy ait prononcé la résiliation du contrat, sur la base des irrégularités énoncées ci-dessus.
Cependant, le tribunal a assorti cette résiliation d’un effet différé, à la date du 11 décembre 2022 au plus tard, ce qui laisse la possibilité de poursuivre les travaux. Il est regrettable qu’il n’ait pas osé aller jusqu’au bout de sa démarche en annulant purement et simplement le contrat, compte tenu de la particulière gravité des irrégularités constatées.
En effet, une suspension des travaux permettrait de revoir le programme, non pas pour renoncer à la nécessaire rénovation du site et à son extension, mais pour élaborer un projet modifié, moins dispendieux, respectueux du patrimoine architectural, au service des habitant.e.s et non des actionnaires.
Contrairement à ce que prétend la communication de la Métropole, il n’est pas trop tard pour modifier le projet au stade actuel de l’avancement des travaux (moins de 40 % de l’investissement total prévu). Une partie de ceux-ci devaient être réalisés de toutes façons, quel que soit le projet, le reste est constitué pour l’essentiel d’éléments de gros œuvre susceptibles d’être utilisés pour un projet différent de celui qui faisait l’objet du contrat résilié.
Le président de la Métropole a annoncé son intention de faire appel. Persister dans cette voie reviendrait non seulement à défendre un contrat déclaré illégal par le tribunal administratif en raison des graves irrégularités dont il est entaché, ou encore l’attribution d’une concession à une entreprise qui, selon ce tribunal, n’avait pas le droit d’être admise aux négociations. Ce serait aussi se rendre complice à la fois d’une dégradation du service rendu aux usagers et d’un montage financier gravement préjudiciable tant aux usagers qu’aux contribuables, et ce, au profit d’actionnaires de sociétés privées.
Le Bien commun appelle les élu.e.s du Grand Nancy à ne pas défendre un contrat condamné par la justice et contraire à l’intérêt général, à tirer les conséquences de ce jugement, à suspendre les travaux, à organiser le débat qui n’a jamais eu lieu sur ce sujet, et à revoir le programme, le projet et le mode de gestion du site de Nancy Thermal, afin de remettre cet équipement, une fois rénové, modernisé et étendu, au service des habitant.e.s et de l’attractivité du Grand Nancy.
Nancy, le 22 juillet 2021 Le Bien commun