Le jour du dépassement
En 1970, l’empreinte écologique de l’humanité a atteint pour la première fois le point critique où la consommation annuelle de ressources naturelles a égalé les capacités régénératrices de la planète. Depuis lors, la situation n’a cessé de se dégrader.
L’ONG américaine Global Footprint Network établit chaque année, parmi d’autres indicateurs, la date du jour du dépassement, jour symbolique où l’humanité a épuisé les ressources naturelles que la planète est capable de régénérer en un an.
En 2000, ce jour du dépassement était le 1er octobre. En 2021, après une lègère embellie en 2020 liée aux mesures prises pour lutter contre la pandémie de Covid-19, il a été atteint le 29 juillet. Ce qui signifie que pendant 5 mois, l’humanité va vit à crédit sur le dos de la planète, en puisant dans ses ressources non renouvelables.
En à peine 50 ans, soit l’équivalent de 2 générations, ce jour du dépassement est donc passé de fin décembre à fin juillet. Autrement dit, là où en 1970 l’humanité consommait les ressources d’une planète pour subvenir à ses besoins, il lui faut en 2021 l’équivalent de 1,7 planète.
Les premiers responsables de cette situation sont bien entendu les pays riches, avec leur mode de vie consumériste et leurs modèles économiques bâtis autour de l’exploitation effrénée des énergies fossiles. Ainsi en France, le jour du dépassement a été atteint cette année le 7 mai, et il aurait fallu l’équivalent en ressources naturelles de 2,9 planètes si l’humanité avait adopté notre mode de vie. Et ce n’est pas la loi Climat et Résilience adoptée dans l’été, qui a largement ignoré ou édulcoré les recommandations de la Convention Citoyenne sur le Climat, qui y changera grand chose. Les Etats-Unis (14 mars) et le Luxembourg (15 février) font partie des pays les moins vertueux, aux antipodes de l’Indonésie (18 décembre) ou du Maroc (26 novembre).
Certes, le mode de calcul utilisé pour établir ces fameuses dates fait l’objet de sévères critiques de la part de certains scientifiques. Mais quelles que soient les polémiques autour du concept même de jour du dépassement, ou des calculs pour l’établir, la tendance générale fait consensus : le déficit écologique de l’humanité ne cesse de s’accroître (l’écroulement de la biodiversité et le dérèglement climatique en sont les effets les plus visibles), et il devient urgent de prendre des décisions qui permettront d’y mettre un terme.
Les écogestes individuels sont certes indispensables, mais ils n’auront pas l’effet systémique nécessaire pour bouleverser suffisamment la donne. C’est à travers un engagement collectif que nous devons trouver le courage de prendre les mesures nécessaires pour modifier le système en profondeur. C’est un nouveau modèle de société qu’il nous faut définir, qui permettra de mettre en œuvre les solutions pour s’acquitter de cette dette écologique. Ces solutions sont connues, et régulièrement rappelées depuis des décennies, notamment lors des conférences internationales sur le climat :
– transformer notre modèle agricole productiviste en un modèle plus respectueux de l’environnement, avec notamment moins d’intrants et de pesticides et des élevages plus extensifs ;
– réduire sensiblement notre consommation de viande ;
– réduire fortement la pollution liée à nos modes de transport ;
– mettre un terme à l’extraction des énergies fossiles, premières responsables de l’augmentation des gaz à effet de serre (GES) ;
– développer massivement les énergies renouvelables ;
– bâtir un modèle de société moins consumériste ;
– lutter efficacement contre la déforestation ;
– stopper l’artificialisation des terres.
La plupart de ces solutions mettront à mal les profits des “premiers de cordée”, et il faudra les leur imposer. Nous pourrons alors progressivement repousser le jour du dépassement vers la fin d’année, seule issue pour offrir aux nouvelles générations un avenir durable.