ATTAC-54

Menu

Le « pouvoir des juges » contre le peuple ? (Édito – avril 2025)

Le jugement qui a été prononcé à l’encontre des parlementaires du RN et particulièrement de Marine Le Pen a suscité bien des réactions dans le monde politique. Au RN on a crié au « déni de démocratie », tandis que le premier ministre se disait troublé… On voudrait faire de cette décision judiciaire une décision politique visant à empêcher Marine Le Pen de se présenter à l’élection présidentielle de 2027. On a donc beaucoup parlé d’inéligibilité et d’exécution provisoire, mais on a un peu oublié le fond du dossier : c’est d’abord une affaire de détournement de fonds publics. Alors que depuis quelques années tout le monde, et en particulier le RN, appelle à la moralisation de la vie politique, on ne saurait admettre que ce jugement soit un prétexte pour dénoncer une prétendue « tyrannie des juges »… Il faut, certes, faire remarquer que les accusés sont présumés innocents jusqu’à épuisement des voies de recours, mais il faut aussi dire haut et fort que les textes de loi sont faits pour être appliqués pour tout le monde, y compris pour les personnalités politiques de premier plan. Finalement le RN, et pas seulement lui, voudrait remettre en cause l’état de droit en opposant les décisions judiciaires à la « souveraineté populaire ». Accepter dans ces conditions que des parlementaires, voire des membres du gouvernement, puissent critiquer une décision de justice reviendrait tout simplement à remettre en cause un principe de base de notre démocratie : la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.

Haro sur la science ?

Les avancées de la science ont fortement modelé depuis plusieurs générations notre mode de vie et notre travail, elles ont été synonymes de progrès constant et de mieux-être. Bien sûr, il s’est toujours trouvé quelques « marchands de doute » – efficaces relais des grands groupes qui les rémunéraient avec pour seule boussole les gains financiers – pour remettre habilement en cause dans les médias les acquis de la science. Ainsi en a-t-il été par exemple des conséquences du tabagisme sur la santé, des effets nocifs des pesticides, des pluies acides, du trou d’ozone, et aujourd’hui du réchauffement climatique. Mais devant l’accumulation des peuves, la vérité a toujours fini par s’imposer.

Pourtant, les attaques contre la science gagnent du terrain depuis quelques années, avec notamment le développement d’internet, des réseaux sociaux, des médias numériques et la dérégulation de l’information. Longtemps anecdotiques, elles ont accédé à une nouvelle visibilité et une audience démultipliée, aidées en cela par les médias très actifs de la complosphère, qui n’ont pas manqué de s’en faire les promoteurs.

La tendance est particulièrement marquée dans les pays qui ont vu des gouvernements autoritaires et réactionnaires accéder au pouvoir, comme la Hongrie, l’Inde, l’Argentine, et maintenant les États-Unis : le résultat des élections américaines a redonné un nouvel élan à ce mouvement, avec le duo Trump-Musk qui s’en est fait le chantre jusqu’à la caricature. Il s’agit pour eux de rejeter les connaissances qui ne sont pas en accord avec leur idéologie, leurs croyances ou leurs intérêts. En voici deux exemples éloquents : l’administration Trump a supprimé sur les sites gouvernementaux des milliers de jeux de données relatifs au climat, à l’environnement ou au genre ; elle a par ailleurs procédé à des coupes budgétaires drastiques entrainant le licenciement de centaines de scientifiques et d’experts de ces questions.

Ces attaques contre la science vont par ailleurs de conserve avec celles qui visent les services publics – accusés de tous les maux –, les femmes ou encore les minorités. Elles constituent l’une des manifestations de la progression des idées réactionnaires.

En France aussi, ces idées se diffusent partout, jusque dans les plus hautes sphères de l’Etat. Il y a eu l’exclamation de Nicolas Sarkozy « L’écologie, ça commence à bien faire », puis l’accusation d’ « éco-terrorisme » lancée par Gérald Darmanin à l’encontre des écologistes, ainsi que sa tentative avortée de dissoudre « Les amis de la Terre ». Il y a eu l’anathème « islamo-gauchisme » jeté à des scientifiques jusque dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Et n’oublions pas la réduction de la part du financement de l’Enseignement supérieur et de la recherche dans le budget 2025… Les signes inquiétants ne manquent pas. En témoignent également les remises en cause récentes d’organismes comme l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie), l’INRAE (Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement) ou l’OFB (Office Français de la Biodiversité).

Les résultats scientifiques ne relèvent pas d’une opinion, ils sont l’aboutissement d’une démarche rigoureuse, passée par le filtre du jugement par les pairs. Il est essentiel que les scientifiques puissent conserver leur liberté académique et rester indépendants des aléas du pouvoir politique.

L’empreinte carbone du chocolat

Oh les relous qui viennent nous culpabiliser avec le chocolat, maintenant… Alors quand c’est pas la bagnole ou l’avion qu’on utilise trop souvent, la viande de bœuf qu’on mange trop, maintenant c’est par le chocolat qu’on pèche ?

Mais non… Enfin si, un peu… 

D’où vient l’impact carbone du chocolat ? Eh bien, pas tant du transport (quand bien même les cacaoyers ne poussent pas sous nos latitudes…) que de la déforestation : la culture croissante du cacao exige de plus en plus de sols, donc de déforestation. En vingt ans, on est passés de 4 millions d’hectares de terres cultivées en cacao dans le monde à 12 millions, donc autant d’hectares déforestés, autant de forêts stockant le carbone qui ont cessé d’exister.

Ajoutons à cela les conditions de travail très dégradées des paysans producteurs qui font un travail harassant tout en respirant des produits chimiques particulièrement toxiques, ainsi que cela est raconté dans le livre autobiographique de l’auteur camerounais Samy Manga, Chocolaté, Le goût amer de la culture du cacao.

Samy Manga était présent à Nancy en avril 2024 lors du festival Livres d’Ailleurs ; à cette occasion il s’est rendu auprès de collégiens à qui il a expliqué comment travaillait son grand-père mort trop jeune de son travail et avec qui il dialogue dans son livre :

  • Grand-père, pourquoi ces gens prennent tout notre cacao ?
  • Parce qu’il leur appartient, fiston.
  • Grand-père, ce cacao vient de notre plantation.
  • Oui, mais c’est pour eux que nous travaillons cette plantation depuis des générations.
  • Grand-père, nous ne sommes pas des esclaves.
  • En quelque sorte, oui.

Les petits producteurs de cacao tels le grand-père de Samy Manga sont désarmés face aux géants Mars, Ferreiro, Mondelez, Nestlé, Hershey’s, Lindt et Sprüngli, pour ne citer que les plus importants, les requins de l’or vert, comme les appelle Samy Manga.

Que faire alors ? Aussi vertueux que nous soyons au quotidien en n’achetant que du chocolat bio et équitable (ce qui nous laisse supposer que, peut-être, les petits producteurs ont été respectés), en n’achetant que du chocolat en provenance du Pérou (un des rares pays qui cultive son cacao sans déforester), même mis bout à bout, ces petits gestes n’auront pas un grand impact. De plus, ils ne sont pas accessibles à tous : entre une plaque de chocolat « vertueuse » et une autre issue des circuits habituels, l’écart de prix est vertigineux.

Or l’Union Européenne peut imposer aux grands groupes cités plus haut de produire d’une manière plus respectueuse des travailleurs et de l’environnement. Elle s’est ainsi dotée en 2023 d’un règlement qui vise à interdire la mise sur le marché européen de produits ayant contribué à la déforestation. On attend juste sa mise en application. Et on espère très fort qu’il ne sera pas vidé de sa substance entretemps.

Allez, vous reprendrez bien encore un petit chocolat ? En espérant qu’on ne vous a pas coupé l’appétit, car ce n’est pas le but. Vivons, soyons heureux, mais soyons vigilants.

8 mars, journée internationale des droits des femmes (Édito : mars 2025)

Le 8 mars 2025 a eu lieu, comme tous les 8 mars depuis 1977 (date de son officialisation par les Nations Unies), la journée internationale des droits des femmes.

Depuis 1977 ? Depuis… 48 ans donc. Que s’est-il objectivement passé dans ce laps de temps en termes d’avancée des droits des femmes ? En vrac : les femmes sont entrées à l’Académie française, au Panthéon, des femmes ont été Première ministre, le viol a été criminalisé, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes a été inscrite dans la loi, de même que la parité hommes/femmes en politique, le congé parental est accessible à chacun des époux à égalité, les noms de métier sont féminisés, le congé de paternité est de droit, le nom de famille est choisi librement par le couple, MeToo a mis quelques pendules à l’heure, les couples de femmes ont accès à la PMA, le droit à l’IVG est inscrit dans la Constitution française, etc.

Alors, non, on ne peut pas dire que la cause des femmes ne progresse pas. Non, bien sûr que non. Et pourtant… L’égalité des salaires n’est pas pour demain, y compris dans la fonction publique où le plafond de verre interdit une égalité de fait, même si elle est inscrite officiellement dans les barèmes. Le harcèlement de rue est un sport toujours très en vogue. Trop de femmes continuent à mourir sous les coups d’hommes qui ne comprennent pas qu’une femme puisse être libre. Au quotidien la charge mentale domestique est toujours assumée pour l’essentiel par les femmes, ce qui les pénalise professionnellement, etc.

Alors, non, on ne peut pas davantage dire que la cause des femmes a progressé comme elle l’aurait dû. Non, bien sûr que non. Le chemin est encore très long, les retours de balancier sont, seront très violents : avec des masculinistes tels que Trump, Vance, Poutine et d’autres, on n’a pas fini de rigoler… L’invisibilisation des femmes est encore trop souvent une réalité et la culture du petit coq chez nombre de jeunes, moins jeunes, vieux, est malheureusement loin d’avoir disparu.

Faut-il se désespérer pour autant ? Non, toujours non, mais cent fois sur le métier remettre son ouvrage : éduquer, éduquer, éduquer nos jeunes, les garçons comme les filles. Ne pas se laisser impressionner par les attaques sournoises des fachos – « L’éducation sexuelle à l’école ? C’est dangereux ! On apprend aux garçons qu’ils sont des filles ! » , fachos qui ont de la dignité de la femme une idée… très personnelle. Ne pas accepter les attaques tout aussi sournoises du capitalisme… Eh oui, genrer les jeux par exemple, c’est deux fois plus de ventes ! Pareil pour les objets du quotidien : des rasoirs pour femmes qui coûtent deux fois plus cher que ceux pour les hommes… pour exactement le même service rendu : couper un poil.

Le combat est encore long, mais il vaut la peine : un monde débarrassé du patriarcat, du capitalisme, du fascisme, ça vous dit ?

Si la BNP nous était contée…

Etablir son empreinte carbone est devenu très tendance. BNP Paribas propose ce service sur son site web et fournit aux utilisateurs des conseils pour améliorer leur impact sur l’environnement. Car elle a le souci de l’environnement : « Évaluation de l’empreinte carbone : 1ere marche vers la décarbonation » peut-on lire sur son site web. Communication, communication…

De quelle manière BNP Paribas emprunte-t-elle cette « 1ere marche » ? Plusieurs organismes ont entrepris d’évaluer l’empreinte carbone de la si vertueuse banque. Si leurs chiffres diffèrent quelque peu, ils se rejoignent sur l’essentiel : la BNP a une empreinte carbone supérieure à celle d’un pays comme la France ! Si si, vous avez bien lu : la France en-tiè-re, avec toutes ses entreprises et ses plus de 68 millions d’habitants. Sont pris en compte dans cette évaluation  les activités propres de la banque – environ 200 000 employés –, mais aussi et surtout les projets qu’elle soutient et les financements qu’elle accorde aux entreprises, aux États et aux particuliers.

Elle finance ainsi largement l’agro-industrie. Mais c’est dans le secteur de l’énergie qu’elle excelle : il concerne près de la moitié de ses financements, pour l’essentiel dans les énergies fossiles (pétrole et gaz). Elle détient même la palme du premier soutien des projets d’énergies fossiles auprès des huit plus grandes compagnies pétrolières et gazières  européennes et nord-américaines. Et porte donc une lourde responsabilité dans la crise climatique en cours.

C’est ce qui a amené trois associations – Oxfam France, Notre Affaire à Tous et Les Amis de la Terre – à assigner BNP Paribas en justice en 2023, après que celle-ci est restée sourde aux tentatives de dialogue que ces associations avaient menées pour que la banque cesse de soutenir les nouveaux projets pétroliers et gaziers. Qu’une banque doive répondre devant la justice pour ses investissements et financements constitue une première mondiale ! Cela a permis quelques avancées : la BNP s’est par exemple engagée en 2023 à cesser le financement de projets « de développement de nouveaux champs pétroliers et gaziers ». Mais il faut relativiser, car les investissements directs (acquisition d’actions par exemple) représentent moins de 5% de son financement dans les énergies fossiles. Elle peut ainsi sans se dédire continuer à financer les entreprises qui interviennent dans l’expansion du secteur.

Autre domaine où la BNP est très active à travers ses financements : celui de l’armement. Elle est le principal bailleur de fonds européen des entreprises qui fournissent l’armée israélienne, et a participé à une levée de fonds de l’État d’Israël quelques mois après le début du conflit à Gaza : l’ensemble représente plus de 5 milliards d’euros. Elle contribue donc largement à financer la guerre que le gouvernement israélien mène contre le peuple palestinien. Les déclarations de la banque sur ses démarches éthiques ou autres activités vertueuses ne pèsent pas lourd face à cet état de fait.

Ne serait-il pas temps d’instaurer une régulation publique pour encadrer les activités des banques, afin que cessent enfin ces investissements qui participent activement aux malheurs du monde ?

« La banque d’un monde qui change » est le slogan de la BNP. Au regard de ses activités, il serait d’utilité publique de « changer de banque pour changer le monde ».

La sécurité sociale alimentaire, une utopie ?

Restos du cœur, restaurants municipaux destinés aux SDF, collectes alimentaires à l’entrée des supermarchés… Et si tout cela devenait obsolète parce que, tout simplement, le droit à une alimentation correcte serait, comme le droit à la santé, couvert par la Sécurité sociale ? Pour rappel, notre Sécurité sociale est issue des travaux du Conseil National de la Résistance qui, en 1944, proposait dans son programme un « plan complet de Sécurité sociale visant à assurer, à tous les citoyens, des moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail ».

Parce que le droit à l’alimentation est en péril : les aliments coûtent de plus en plus cher, et de plus en plus de gens se serrent la ceinture, voire ne mangent pas à leur faim. Ou mangent mal : la malbouffe ne coûtant pas cher, elle devient quotidienne pour nombre d’entre nous. Avec des dépenses de santé de plus en plus importantes pour la collectivité, à cause des pathologies, parfois lourdes, induites par ce type d’alimentation. Et tout cela se passe en France. Et ce n’est pas seulement dû à la pauvreté ou la précarité.

Mettre en place une Sécurité sociale de l’alimentation – financée comme la Sécurité sociale santé par des cotisations sociales payées par les employeurs et les salariés – permettrait à tout le monde, quels que soient nos revenus, d’être correctement alimenté. La nourriture bio, saine et locale cesserait d’être un luxe pour devenir le minimum auquel nous aurions toutes et tous un droit inconditionnel.

Parce que si la solidarité nationale coûte cher, ne rien faire coûte encore plus cher. Et  si la solidarité nationale coûte cher, ce sont les générations à venir qui en profiteront, dans une société où les gens seront bien soignés et bien nourris. Ça vaut le coup, non ?

Qui sont les irresponsables ? (Édito – février 2025)

Alors qu’on nous a beaucoup parlé de responsabilité pour justifier le vote du budget, il faut s’interroger sur la manière dont certains préparent, consciemment ou non, l’arrivée au pouvoir du RN. Ainsi, en parlant de « submersion migratoire », François Bayrou n’a pas hésité à reprendre le vocabulaire qu’avaient utilisé Marine Le Pen et son père. Puis il a imposé par le « 49-3 » un budget de la Sécurité Sociale qui réduit le financement de l’Aide Médicale d’État, et encouragé Bruno Retailleau à produire une circulaire qui durcit les conditions de régularisation des sans-papiers (dorénavant il faudra être en France depuis au moins 7 ans sans avoir fait l’objet d’une OQTF et parler français pour prétendre à une régularisation). Pour compléter le tableau, le groupe Les Républicains a déposé une proposition de loi remettant en cause « le droit du sol » à Mayotte, et François Bayrou proposait d’organiser un débat sur l’identité nationale, en attendant sans doute de présenter bientôt un nouveau projet de loi sur l’immigration. En fin de compte, alors que l’année 2024 a vu le nombre de régularisations baisser de 10 % et celui des expulsions augmenter de 27%, Retailleau et Darmanin encouragent le racisme et la xénophobie sans craindre de voir le RN en profiter. Est-ce le prix à payer pour maintenir ce gouvernement en place ?

L’Éducation Nationale : une école en situation de handicap !

Alors que nous fêtons le 20ème anniversaire de la loi du 11 février 2005 – loi qui accorde le droit à l’accès au service public de l’Éducation pour les enfants ou adolescents handicapés – qu’en est-il concrètement, aujourd’hui, sur le terrain ?

Favoriser l’inclusion des enfants en situation de handicap à l’école, dès la maternelle et ce jusqu’au lycée ? Une vraie bonne idée au départ, qui prône la tolérance, pourfend la discrimination et redonne de l’espoir aux jeunes parents qui ont à faire le deuil de l’enfant au parcours rêvé. Mais cette proposition d’inclusion n’est viable que si l’on s’en donne les moyens… et des moyens humains avant tout. C’est bien là que le bât blesse.

Depuis 2005, la scolarisation des enfants handicapés a triplé : 134 000 en 2004, 436 000 en 2022. Ce n’est pas le cas du nombre d’AESH (Accompagnantes* des Élèves en Situation de Handicap) embauchées pour les accompagner.

En exemple, cette école élémentaire accueillant neuf élèves handicapés pour lesquels la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) a notifié une scolarisation avec accompagnement humain, et qui ne se voit attribuer, à la rentrée, que quatre AESH ! Le compte n’y est pas, et ce scénario est loin d’être unique.

À ceci viennent s’ajouter des conditions de travail telles que les démissions se font de plus en plus nombreuses :

  • les AESH accompagnent des enfants aux handicaps très divers, souffrant de troubles autistiques et du comportement parfois sévères. Elles vivent de réels épisodes de violence : insultes, morsures, coups de pied… Ces troubles relèvent d’éducateurs spécialisés (trois ans de formation) exerçant en ITEP (Institut Thérapeutique Educatif et Pédagogique) ou en IME (Institut Médico-Educatif), établissements qui en sont à deux ans de liste d’attente pour accueillir un nouvel enfant ; avant les AESH accompagnaient des enfants souffrant de troubles DYS – dyslexie, dysgraphie, dyspraxie, dyscalculie… –, nécessitant qu’on les aide à hiérarchiser et décomposer les tâches demandées par l’enseignant ;
  • leur formation pour ce public devenu très spécialisé est limitée à 60 heures ;
  • il arrive fréquemment qu’elles partagent leurs temps entre des enfants d’établissements différents et, en dépit des déplacements incessants que cela nécessite, ne sont aucunement dédommagées de leurs frais kilométriques. Mais sûrement considère-t-on que ce n’est pas un souci, étant donné qu’elles gagnent quand même 900 €/mois ! N’est-ce pas royal ?
  • Elles sont très régulièrement déplacées, même si elles avaient noué un lien positif et motivant avec un enfant aux besoins particuliers. L’aspect relationnel n’est tout simplement pas pris en compte.

Notre gouvernement actuel, dont l’Éducation ne semble pas être la priorité, fait la sourde oreille aux demandes de revalorisation de ce type d’emplois précaires, mais indispensables.

Faut-il avoir un enfant handicapé pour être sensible à la cause ? Comme par exemple Bruno BONNEL – député de la majorité présidentielle – qui avait appuyé un amendement déposé à l’Assemblée nationale par François RUFFIN pour une revalorisaton des salaires des AESH.

Le fait qu’un enfant handicapé soit mal (à temps partiel) ou non accompagné a pour conséquence de mettre en souffrance tout le monde dans sa classe : lui-même car il vit une situation inadaptée à ses besoins, l’enseignant qui doit déjà composer avec une classe surchargée et des élèves aux profils et difficultés variés, ses camarades qui subissent ses crises, parfois violentes et son mal-être du fait qu’il ne se trouve pas au bon endroit. Être plongé dans une classe de 28 élèves est, pour un enfant présentant des troubles autistiques, une situation d’une violence extrême qu’il va exprimer à sa manière. L’AESH est alors indispensable pour l’accompagner hors de la classe et lui apporter le réconfort nécessaire. Encore faut-il être formée pour cela !

L’inclusion, à l’école, des enfants en situation de handicap avec des moyens adaptés, OUI ! À tout prix et sans moyens suffisants, NON !

*  Les hommes à ce type de poste étant très peu nombreux, le féminin sera utilisé pour désigner les AESH.

Le coin des livres

Voici une note de lecture concernant le dernier livre d’Attac co-écrit avec la dessinatrice VAP.

L’évasion fiscale – Toute une histoire

Le ton est donné dès la couverture qui représente une pauvre statue de la liberté affublée d’une épuisette déchirée avec laquelle elle tente de récupérer l’argent qui s’envole… Liberté et argent : pas de liberté sans argent ? C’est en tout cas le fil rouge de ce livre : le jour où on aura réglé le problème de l’évasion fiscale, ce jour-là on aura des services publics dignes de ce nom, accessibles à tous et efficaces, et on pourra se livrer à une véritable transition écologique. Bref, chacun.e de nous pourra vivre dignement et librement.

Une fois ce constat posé, l’indignation du lecteur grimpe d’un cran à la lecture de chacun des six chapitres de ce livre dont l’objectif est de faire de chacun.e de nous des gens avertis quant aux problématiques fiscales : connaître pour mieux combattre. Ce livre n’a pas la prétention de faire de nous des experts, mais simplement (et c’est déjà beaucoup !) de nous expliquer dans un langage clair comment l’article 13 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 est complètement vidé de sa substance par nombre d’entreprises et de particuliers les plus riches (« une contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés»). Et c’est donc mécaniquement sur les plus modestes, les plus pauvres que repose l’essentiel de l’effort commun. Savoir cela, connaître quelques-unes des astuces des plus riches pour se soustraire à l’impôt, s’en indigner… est un premier pas d’un long chemin.

Chacun des six chapitres est écrit dans un langage clair et accessible et illustré par quelques pages de bande dessinée autour des aventures douces-amères de Louise qui tente de percer les secrets de l’évasion fiscale, une Louise plutôt sympathique qui rendrait presque amusantes les questions de droit fiscal, si la réalité n’était pas si sordide !

L’évasion fiscale – Toute une histoire, Attac et VAP, Éditions de l’Atelier, 18 euros.

Pour la justice fiscale (Édito – janvier 2025)

Comme son prédécesseur, François Bayrou propose pour 2025 un budget qui se traduit par une baisse des dépenses publiques à un niveau jamais atteint. Reprenant à son compte une grande partie du budget du gouvernement Barnier pourtant censuré, il a expliqué qu’il comptait « mobiliser l’équivalent de 30 milliards de baisse des dépenses pour cette année». Cela accélèrerait la dégradation des services publics, alors qu’ils constituent l’un des principaux remèdes contre l’aggravation des inégalités… Avec des recettes fiscales supplémentaires de 20 milliards d’euros dont 10 milliards de contributions exceptionnelles demandés aux grandes entreprises et aux plus riches, il veut nous faire croire que les efforts seront partagés et qu’ainsi notre avenir et celui du pays seront préservés.

En fait, depuis 2017, Macron a mené une politique visant à privilégier les grandes entreprises et les plus riches au détriment de la très grande majorité des Français. C’est avec ces cadeaux qu’il a aggravé la dette publique avec comme principale solution le sacrifice des services publics… S’il faut dans un premier temps rappeler que la dette n’est pas seulement une charge (elle a comme contrepartie des actifs : infrastrutures, hôpitaux, «écoles, etc.), il faut surtout – et ATTAC peut y contribuer – que s’engage un vrai débat citoyen débouchant sur des mesures de justice fiscale. Alors qu’il ne manque pas de politiciens pour demander régulièrement une baisse des impôts et des cotisations sociales, qu’ils rebaptisent « charges » pour mieux les dénigrer, il faut travailler à recréer le « consentement à l’impôt ».* C’est la condition nécessaire pour combattre les inégalités et mettre en œuvre une démarche qui réponde aux besoins de la population en préservant l’environnement.

* De nombreuses pistes existent pour promouvoir l’égalité devant l’impôt : imposer le patrimoine de manière juste et efficace ; mettre fin aux privilèges fiscaux, surtout s’ils sont nuisibles à l’environnement ; imposer davantage les superprofits et les superdividendes ; mettre en place une véritable taxe sur les transactions financières et augmenter l’imposition des multinationales au sein de l’Union européenne ; renforcer à tous les niveaux les moyens de lutte contre les différentes formes d’évasion et de fraude fiscales.