ATTAC-54

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Catégorie : Éditoriaux

Qui sont les irresponsables ? (Édito – février 2025)

Alors qu’on nous a beaucoup parlé de responsabilité pour justifier le vote du budget, il faut s’interroger sur la manière dont certains préparent, consciemment ou non, l’arrivée au pouvoir du RN. Ainsi, en parlant de « submersion migratoire », François Bayrou n’a pas hésité à reprendre le vocabulaire qu’avaient utilisé Marine Le Pen et son père. Puis il a imposé par le « 49-3 » un budget de la Sécurité Sociale qui réduit le financement de l’Aide Médicale d’État, et encouragé Bruno Retailleau à produire une circulaire qui durcit les conditions de régularisation des sans-papiers (dorénavant il faudra être en France depuis au moins 7 ans sans avoir fait l’objet d’une OQTF et parler français pour prétendre à une régularisation). Pour compléter le tableau, le groupe Les Républicains a déposé une proposition de loi remettant en cause « le droit du sol » à Mayotte, et François Bayrou proposait d’organiser un débat sur l’identité nationale, en attendant sans doute de présenter bientôt un nouveau projet de loi sur l’immigration. En fin de compte, alors que l’année 2024 a vu le nombre de régularisations baisser de 10 % et celui des expulsions augmenter de 27%, Retailleau et Darmanin encouragent le racisme et la xénophobie sans craindre de voir le RN en profiter. Est-ce le prix à payer pour maintenir ce gouvernement en place ?

Pour la justice fiscale (Édito – janvier 2025)

Comme son prédécesseur, François Bayrou propose pour 2025 un budget qui se traduit par une baisse des dépenses publiques à un niveau jamais atteint. Reprenant à son compte une grande partie du budget du gouvernement Barnier pourtant censuré, il a expliqué qu’il comptait « mobiliser l’équivalent de 30 milliards de baisse des dépenses pour cette année». Cela accélèrerait la dégradation des services publics, alors qu’ils constituent l’un des principaux remèdes contre l’aggravation des inégalités… Avec des recettes fiscales supplémentaires de 20 milliards d’euros dont 10 milliards de contributions exceptionnelles demandés aux grandes entreprises et aux plus riches, il veut nous faire croire que les efforts seront partagés et qu’ainsi notre avenir et celui du pays seront préservés.

En fait, depuis 2017, Macron a mené une politique visant à privilégier les grandes entreprises et les plus riches au détriment de la très grande majorité des Français. C’est avec ces cadeaux qu’il a aggravé la dette publique avec comme principale solution le sacrifice des services publics… S’il faut dans un premier temps rappeler que la dette n’est pas seulement une charge (elle a comme contrepartie des actifs : infrastrutures, hôpitaux, «écoles, etc.), il faut surtout – et ATTAC peut y contribuer – que s’engage un vrai débat citoyen débouchant sur des mesures de justice fiscale. Alors qu’il ne manque pas de politiciens pour demander régulièrement une baisse des impôts et des cotisations sociales, qu’ils rebaptisent « charges » pour mieux les dénigrer, il faut travailler à recréer le « consentement à l’impôt ».* C’est la condition nécessaire pour combattre les inégalités et mettre en œuvre une démarche qui réponde aux besoins de la population en préservant l’environnement.

* De nombreuses pistes existent pour promouvoir l’égalité devant l’impôt : imposer le patrimoine de manière juste et efficace ; mettre fin aux privilèges fiscaux, surtout s’ils sont nuisibles à l’environnement ; imposer davantage les superprofits et les superdividendes ; mettre en place une véritable taxe sur les transactions financières et augmenter l’imposition des multinationales au sein de l’Union européenne ; renforcer à tous les niveaux les moyens de lutte contre les différentes formes d’évasion et de fraude fiscales.

Les COP ont-elles un cap ? (Édito – décembre 2024)

C’est désormais devenu un rituel de fin d’année : le retour des COP (Conference of the Parties).

• La COP annuelle pour le climat, la plus médiatisée, dont le but est de contenir le dérèglement climatique. Malgré l’engagement répété des participants, la main sur le cœur, de prendre le problème à bras-le-corps, on peine à percevoir un  plan concerté, cohérent et ambitieux de nature à améliorer la situation. Si progrès il y a, il est pour l’instant tellement timide face à l’ampleur de la menace qu’il ne pourra en aucun cas enrayer la marche en avant vers l’enfer climatique. Le GIEC a beau répéter inlassablement qu’il faut d’urgence réduire très sensiblement les émissions de gaz à effet de serre (GES), rien n’y fait : malgré quelques avancées ici ou là , les GES continuent globalement d’augmenter, le recours aux énergies fossiles restant le principal moteur de la sacro-sainte croissance, credo de la plupart des responsables politiques de la planète. L’année 2024 aura été une année charnière, car elle a vu la hausse de la température mondiale par rapport à l’ère pré-industrielle dépasser le seuil symbolique des 1.5°C, ce que les COP étaient censées éviter… Le choix du lieu qui a accueilli cette année la COP 29 pour le climat est d’ailleurs révélateur : Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan, dont le gaz et le pétrole sont les principales sources de revenu. Faut-il dès lors s’étonner que le seul résultat tangible de cette COP 29 – 300 milliards de dollars octroyés par les pays industriels aux pays du sud, dont une partie sous forme de prêt, alors que 1300 milliards auraient été nécessaires – soit jugé notoirement insuffisant par l’ensemble des observateurs ?

• Ensuite la COP sur la biodiversité, au rythme bisannuel, qui tente de trouver des solutions à l’effondrement de la biodiversité. La seizième édition de novembre 2024 à Cali, en Colombie, a surtout débouché sur un triste constat : aucun des engagements pris lors de la COP 15 il y a deux ans à Montréal n’a été tenu, même s’il y a eu quelques avancées très partielles, et aucun accord n’a été trouvé pour les financer. Il apparaît évident que la plupart des décideurs n’ont pas encore pris la mesure de l’ampleur du phénomène et de ses implications.

• Enfin la COP sur la désertification – au même rythme que la précédente –, moins connue que ses deux homologues. La dernière en date, seizième du nom, s’est tenue en décembre 2024 à Riyad, en Arabie Saoudite. Elle s’est terminée sur un constat d’échec : aucun accord contraignant sur la lutte contre la sécheresse n’a pu être trouvé.

Comment expliquer les fiascos répétés de ces grandes messes médiatiques où la communication prend largement le pas sur l’action concrète ? Peut-être que leur forme actuelle, qui repose sur le consensus, n’est pas de nature à apporter des réponses adéquates dans des délais suffisants.

En attendant, le réchauffement climatique, l’effondrement de la biodiversité et la désertification poursuivent leur bonhomme de chemin…

Quelle leçon tirer de l’élection de Trump ? (Édito – novembre 2024)

Il n’est pas évident de comparer la situation politique des États-Unis à celle de la France ; le rôle de l’État n’y est pas le même et les systèmes électoraux sont assez différents. Cependant, on peut tout de même considérer que les populations de nombreux pays ont des préoccupations assez voisines. Ainsi, durant la dernière campagne américaine, on a beaucoup parlé de pouvoir d’achat et d’immigration, deux thématiques qui mobilisent également notre opinion publique – et surtout nos médias. Quelles leçons peut-on donc tirer en France de l’élection de Trump ? Peut-on s’y référer pour envisager les prochains épisodes électoraux qui nous attendent ?

On peut dire que, dans nos pays, nous avons affaire à une certaine forme de démocratie, puisque les campagnes électorales suscitent des débats contradictoires auxquels se réfèrent plus ou moins les médias. Durant la dernière campagne électorale américaine, les candidats ont débattu, mais Trump s’est montré excessif comme jamais : misogyne, raciste, viriliste… Il n’a pas hésité à utiliser le mensonge pour arriver à ses fins. Dans le camp démocrate, on a pensé que ces excès joueraient contre lui, et pourtant cela n’a pas eu lieu. Une majorité des électeurs n’ont pas réagi comme les Démocrates l’attendaient. Ils ont préféré Trump, d’abord pour des raisons économiques et sociales, mais aussi parce qu’ils se sont retrouvés dans ses propos xénophobes et virilistes.

Alors, s’il fallait retenir une leçon pour la France, une fois le constat fait qu’une partie croissante de nos concitoyens est aussi séduite par les discours de l’extrême droite (la sphère Bolloré se charge de les y aider), c’est que si la gauche veut gagner en 2027, elle devra mettre en avant la lutte contre les inégalités sociales et défendre les services publics, ce que les Démocrates n’ont pas vraiment fait aux États-Unis.

Une élection cruciale pour la planète (Édito – octobre 2024)

Etablir un lien entre le climat et l’élection présidentielle américaine pourrait prêter à sourire. Et pourtant, ce lien est très direct et même crucial pour la planète, car la lutte mondiale contre le réchauffement climatique serait très lourdement impactée si le « climatosceptique » Donald Trump était élu à la tête des États-Unis, deuxième plus gros émetteur de gaz à effet de serre derrière la Chine. On pourra compter sur lui pour désengager les États-Unis de la politique climatique mondiale.

Trump a largement démontré, lors de son premier mandat, le peu de cas qu’il fait des questions environnementales, et plus particulièrement de la cause climatique : il a placé des « climatosceptiques » à la tête des agences de recherche ; il a retiré les États-Unis de l’Accord de Paris et promis récemment de le refaire s’il était élu, sa décision ayant été annulée par Joe Biden ; il a relancé à tout va les autorisations de forage de pétrole et de gaz qui avaient été fortement limitées par Obama… Pour ne citer que ces quelques exemples, parmi une foule d’autres décisions réglementaires et législatives qui ont affaibli le cadre légal de protection de l’environnement aux États-Unis.

Le média spécialisé Carbon Brief a évalué les conséquences d’une élection de Trump  à 4 milliards de tonnes d’équivalent CO2 d’ici à 2030, soit la somme des émissions annuelles de l’Europe et du Japon. Est-il dès lors étonnant que toutes les associations environnementales américaines soutiennent Kamala Harris ?

D’ailleurs, peut-on encore parler de « climatoscepticisme », alors que la réalité du réchauffement climatique est aujourd’hui incontestablement établie par la science et largement documentée ? Il semble désormais plus adéquat de remplacer ce terme par celui de climatonégationnisme, de plus en plus utilisé par les milieux spécialisés. Porté par les réseaux sociaux qui favorisent les fausses informations en élargissant leur audience, ce déni de réalité risque fort de proliférer si par malheur Trump était élu.

Déni, mépris, trahison : la démocratie en danger (Édito – septembre 2024)

En prononçant la dissolution de l’Assemblée nationale dès l’annonce du résultat de l’élection européenne, en vertu du bon-vouloir du monarque blessé dans son orgueil par le désaveu de sa politique, Emmanuel Macron n’a pas seulement ouvert une crise politique profonde. Il a aussi pris le risque, en toute connaissance de cause, de provoquer l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite.

Le premier tour des élections législatives, avec une très forte participation, a confirmé le rejet de la macronie par une grande majorité des électeurs. Au deuxième tour, un « front républicain » a permis d’empêcher l’extrême droite d’obtenir une majorité à l’Assemblée nationale, et c’est le Nouveau Front Populaire (NFP) qui a obtenu le plus grand nombre de députés, suivi de l’ancienne majorité présidentielle. Cependant, bien qu’ayant largement profité des désistements des candidats de gauche dont le maintien aurait risqué de faire élire le candidat d’extrême droite, Emmanuel Macron a refusé de se plier au résultat des urnes et de nommer Première ministre la représentante du NFP, Lucie Castets, sous prétexte qu’elle n’avait pas de majorité pour la soutenir.

Battu dans les urnes, il a néanmoins voulu à tout prix garder le pouvoir et poursuivre sa politique. Mais lui non plus n’a pas de majorité. Alors, après deux mois de tergiversations, de manœuvres en coulisses et de tentatives de débauchage, il s’allie avec l’autre droite (LR), qui ne représente plus qu’une petite minorité d’électeurs et de députés, et nomme à Matignon l’un de ses membres les plus conservateurs, Michel Barnier, avec l’assentiment de l’extrême droite.

Outre le flagrant déni de démocratie qui consiste à nommer un gouvernement des perdants pour poursuivre une politique rejetée par les électeurs, c’est maintenant l’extrême droite qui mène le jeu. Pour obtenir son soutien, le Premier ministre doit lui donner des gages : son gouvernement comprend des ministres parmi les plus réactionnaires, et l’on parle déjà d’une nouvelle loi immigration. De plus, le Rassemblement national a déclaré l’avoir « mis sous surveillance » et lui a fixé une « ligne rouge » à ne pas dépasser sous peine de censure : la hausse des impôts. C’est dire si la dégradation des services publics va se poursuivre et s’accélérer.

ATTAC appelle ses adhérents et sympathisants à se joindre à toutes les initiatives visant à imposer le respect du suffrage populaire et la mise en œuvre du programme du Nouveau Front Populaire. En premier lieu en participant à la manifestation intersyndicale du mardi 1er octobre à 14 h à Nancy au départ de la place Dombasle, pour l’abrogation de la réforme des retraites, l’augmentation des salaires, la défense des services publics et la lutte contre les inégalités et les discriminations.

Macron l’irresponsable (Édito – juin 2024)

On savait que Macron préparait la venue au pouvoir de l’extrême droite en menant une politique toujours plus antisociale et autoritaire. On savait qu’il était prêt à partager avec le RN des idées comme la préférence nationale ou la remise en cause du droit du sol. Mais après la défaite cuisante de sa liste aux européennes et la victoire de l’extrême droite, il a choisi de dissoudre la chambre des députés.

En agissant ainsi, il a pris le risque de livrer le gouvernement au RN, tout en continuant à jouer la carte de l’opposition entre « progressistes » et « extrémistes » et en cherchant à tout prix à se positionner comme le seul rempart contre l’extrême droite.

Heureusement, les forces de gauche ont réussi tant bien que mal à se regrouper sur la base d’un programme dit de Front populaire et à présenter des candidatures communes. ATTAC se mobilise pour que cette initiative soit couronnée de succès. Il y va de l’avenir de la justice sociale et de la démocratie dans notre pays.

Menaces sur la démocratie en Europe (Édito- mai 2024)

L’Europe est actuellement confrontée à une montée de l’extrême-droite, désormais au pouvoir dans certains pays et aux portes de celui-ci dans d’autres, dont la France. Outre le vote pour ses candidats, cela se traduit par une diffusion de ses idées au-delà de ses propres rangs. La droite « classique » et macroniste est de plus en plus imprégnée par son idéologie qui, malheureusement, infuse aussi parfois dans le discours et dans les thèmes de campagne de certaines fractions de la gauche.

Cette montée en puissance de l’extrême droite est favorisée par les politiques néolibérales des gouvernements nationaux, mais les institutions européennes y contribuent aussi. En empêchant tout débat sur les orientations économiques et sociales de l’Union Européenne, et en particulier sur les politiques d’austérité qui ont ravagé les services publics et affaibli les populations les plus fragiles, ses dirigeants ont créé les conditions d’un débat politique focalisé sur la recherche d’autres boucs émissaires, en particulier les migrants.

De plus, l’Union Européenne s’est révélée incapable de faire respecter les valeurs sur lesquelles elle est supposée être fondée. Elle n’a pas su empêcher des gouvernements comme ceux de Pologne – du moins jusqu’aux dernières élections législatives – ou de Hongrie de piétiner les libertés publiques. Mais c’est dans toute l’Europe que l’état de droit recule, y compris en France où se succèdent lois sécuritaires et politiques répressives. On l’a vu notamment à l’occasion des manifestations des Gilets jaunes et, aujourd’hui, face aux mouvements de défense de l’environnement et du climat ou de soutien à la Palestine : interdictions de manifestations et de conférences, violences policières, arrestations et gardes à vue, condamnations…

Enfin, l’Union Européenne s’est montrée incapable de mettre en place une autre politique migratoire que celle de la fermeture, du rejet et de la répression qui, outre ses conséquences dramatiques pour ceux qui cherchent à échapper aux conséquences du réchauffement climatique, à la guerre, aux persécutions et à la misère, alimente le climat de peur et de rejet sur lequel surfe l’extrême droite.

Le manque de transparence des institutions communautaires, la prépondérance des institutions les moins démocratiques dans les processus de décision, leur inaptitude à défendre l’état de droit et l’absence de débat démocratique européen sur la politique économique sont autant de phénomènes qui, en se combinant, ne peuvent qu’alimenter la dynamique des partis d’extrême-droite et entretenir la crise démocratique de l’Union Européenne et de ses États membres.

Des choix d’économies budgétaires révélateurs (Édito – avril 2024)

Le déficit budgétaire de la France – 154 milliards d’euros en 2023 – se maintient à un niveau élevé depuis 2018, accentuant parallèlement le poids de la dette publique. Bruno Le Maire a annoncé début mars un plan d’économies de 30 milliards d’euros sur deux ans pour tenter de redresser les comptes publics. Notons au passage qu’il est aux manettes de la politique économique de la France depuis sept ans, il ne doit donc pas être tout à fait étranger à cette situation…

Si l’on ne sait pas encore grand-chose des 20 milliards d’économie annoncés pour 2025, les 10 milliards de coupes budgétaires pour cette année ont déjà été actés par décret. Le détail de celles-ci illustre sans ambiguïté les choix idéologiques du gouvernement. Plus de 20% des crédits annulés relèvent de l’écologie au sens large, qui est par conséquent la grande sacrifiée. « Ce quinquennat sera écologique ou ne sera pas » était pourtant l’un des mantras d’Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle de 2022. Visiblement, les promesses n’engagent que ceux qui y croient… D’autres « grandes causes » ou « priorités absolues » proclamées du quinquennat payent également un lourd tribut : le travail et l’emploi, à travers la formation et l’apprentissage, l’égalité homme/femme, le logement social, l’éducation, ou encore la recherche et l’enseignement supérieur, pour ne citer qu’eux.

Pourtant, outre que la dette publique n’est pas la catastrophe que l’on prétend (voir l’article ci-dessous), d’autres voies étaient possibles. Mais elles se heurtent au refus dogmatique du gouvernement de solliciter davantage les plus riches – qui viennent en 2023 de se gaver de dividendes en hausse de 20 % par rapport à l’année précédente –, de taxer les superprofits qui ont explosé à la faveur des récentes crises énergétique et sanitaire, ou de lutter plus efficacement contre la fraude et l’évasion fiscales. Conditionner le CICE (Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi) au soutien des entreprises en réelle difficulté et au respect de comportements « vertueux » en matière sociale et environnementale, au lieu d’arroser aveuglément et sans conditions, aurait aussi pu être une option. Les grosses entreprises, celles de plus de 250 salariés, captent plus de la moitié de cette manne financière – 20 milliards d’euros en 2023 –, alors que la plupart d’entre elles n’en ont pas besoin, au vu de leurs confortables bénéfices et des mirobolants salaires de leurs dirigeants.

Mais l’ADN libéral de nos gouvernants actuels les porte plus naturellement à affaiblir notre État protecteur et redistributeur qu’à le renforcer.

L’agriculture sacrifiée (Édito – mars 2024)

Les agriculteurs viennent de se mobiliser fortement pour exiger des revenus qui leurs permettraient de vivre convenablement du fruit de leur travail. Alors que leurs difficultés sont dues à la pression exercée par la grande distribution et les industries agroalimentaires, mais aussi à la politique de libre échange de l’UE et de la PAC, Gabriel Attal et la FNSEA ont choisi, en suspendant le « plan Ecophyto », de faire de l’écologie le bouc émissaire.

Bien sûr, le modèle productiviste actuel appauvrit la paysannerie vivrière au profit de la grande distribution et de l’agro-industrie*. Mais défendre la voie de l’agroécologie pour garantir une rémunération stable ne suffit pas, il faut aussi mettre fin au libre-échange généralisé et interroger le rôle de la PAC. 9,5 milliards d’euros d’aides ont été distribués aux agriculteurs en 2022, mais ces aides, premier pilier de la PAC, financent essentiellement les gros producteurs, laissant 18 % des agriculteurs vivre en dessous du seuil de pauvreté. Les organisations syndicales productivistes françaises ont toujours refusé d’orienter la PAC vers son deuxième pilier, fondé sur le développement rural, et défendent un modèle d’exportation qui épuise les sols, maltraite les animaux et intoxique les paysan-nes.

L’agroécologie est la seule voie raisonnable, car agriculture et écologie sont intrinsèquement liées. Les êtres humains ne sont ni hors, ni au-dessus des écosystèmes, ils en sont une composante essentielle. Loin de sauver l’agriculture, la macronie la sacrifie en réalité sur l’autel du libéralisme.

* Selon le rapport 2022 de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, sur 100 € dépensés par le consommateur, la valeur ajoutée par l’agriculture ne représente que 6,90 €, contre 10,40 € pour les industries alimentaires.