ATTAC-54

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Catégorie : Éditoriaux

Les droits des exilés menacés ! (Édito – février 2023)

Le 29ème projet de loi sur l’immigration depuis 1980 a été présenté au Conseil des ministres le 1er février, avant d’être examiné au Sénat, puis à l’Assemblée Nationale au printemps. S’inscrivant délibérément dans une vision utilitariste et répressive, ce projet a conduit les associations de défense des droits des exilés à dénoncer « des mesures qui risquent de rogner davantage les droits des personnes étrangères ».

Ainsi, présenté comme visant à faciliter les expulsions des « étrangers délinquants », ce projet cherche d’abord à « réformer structurellement » le droit d’asile dans le but d’accélérer les procédures et d’expulser plus efficacement… Quant au volet intégration, il propose un titre de séjour « métiers en tension » qui revient à faire des migrants une main-d’œuvre de circonstance, précarisée et… jetable.

Alors que la dématérialisation prive déjà de nombreux étrangers d’un accès au séjour, ce projet de loi tend à restreindre le droit au séjour et le droit d’asile. Au lieu d’accueillir dignement celles et ceux qui fuient la guerre, les persécutions, la misère ou les conséquences du dérèglement climatique, il s’agit au contraire de renforcer les moyens qui les empêcheront  d’accéder ou de rester sur le territoire.

Les associations et syndicats appellent à manifester partout en France, le 4 mars, pour dénoncer  une réforme qui vise à « considérer les étrangers comme une population de seconde zone, privée de droits, précarisée et livrée à l’arbitraire du patronat, de l’administration et du pouvoir ».

Retraite : un choix de société (Édito – janvier 2023)

A la Libération, les fondateurs de la Sécurité sociale ont institué la pension de retraite comme la continuation du salaire. La forme la plus aboutie en est la retraite de la fonction publique d’Etat : il n’y a pas de caisse de retraite, la « cotisation retraite » qui apparaît sur le bulletin de salaire n’en est pas une, elle ne sort pas des caisses de l’Etat, qui verse lui-même les pensions aux retraités ; le montant des pensions, calculé sur le salaire des six derniers mois, représente 75 % du salaire brut, soit presque l’équivalent du salaire net.

Les multiples « réformes » du système de retraite depuis 35 ans visaient d’une part à diminuer le montant des pensions, d’autre part à les individualiser en changeant leur nature de « salaire continué » en « revenu différé » : indexation sur les prix – censée maintenir le pouvoir d’achat – et non plus sur les salaires, calcul sur les 25 meilleures années et non plus sur les 10 meilleures années, relèvement de l’âge légal de départ à la retraite et du nombre d’années de cotisation donnant droit au taux plein, instauration d’un système de décotes et de surcotes.

La nouvelle « réforme » que veut imposer Macron contre l’avis de la majorité des Français ne « sauverait » pas un régime des retraites qui n’en a pas besoin (voir l’article ci-dessous). Non, cette énième « réforme » ne ferait que paupériser et précariser un nombre toujours plus grand de personnes âgées, tout en incitant celles qui en ont les moyens à se tourner de plus en plus vers les différentes formes d’épargne individuelle, souvent défiscalisées, donc à la charge des contribuables. Elle accélérerait ainsi le mouvement de retour vers un système de retraites fondé sur la propriété, contre la retraite-salaire, fondement de la Sécurité sociale.

Cette « réforme » repose sur le choix d’une société où le modèle du rentier se substitue à celui du salarié à vie et le « chacun-pour-soi » au principe de solidarité : « à chacun selon ses besoins, de chacun selon ses moyens ». Une société où dominent les inégalités et l’insécurité.

Banalisation (Édito – décembre 2022)

Depuis plusieurs années, on a laissé la question de l’immigration prendre une place disproportionnée dans la vie politique française. Bien sûr, la responsabilité de cette situation incombe d’abord au FN (puis RN), mais bien d’autres forces politiques en sont aussi responsables… On ne rappellera pas ici les manœuvres orchestrées par différents présidents ou candidats à la présidence de la République pour accéder ou se maintenir au pouvoir en se présentant comme les derniers « obstacles face au RN ». On se contentera de rappeler qu’au fil des années les candidats de ce parti n’ont cessé de progresser, formant même aujourd’hui un groupe conséquent à l’Assemblée Nationale.

Face à la nature toujours aussi xénophobe, voire raciste du parti de Marine Le Pen, on aurait pu s’attendre à une certaine résistance des autres forces de droite, mais c’est l’inverse qui s’est produit.

Ainsi les dirigeants des Républicains n’ont pas cessé depuis les dernières présidentielles de tenir des propos qui ressemblent toujours plus à ceux du RN. Quant au gouvernement, chaque occasion lui est bonne pour prouver qu’il est « dur avec les exilés ». Ainsi, après l’attitude honteuse de Gérald Darmanin à propos de « l’accueil » de l’Ocean Viking, on vient nous présenter une énième loi sur l’immigration qui devrait concéder quelques régularisations en échange d’un renforcement des menaces d’expulsion.

Finalement, il apparaît qu’avec les prises de position des uns ou des autres, on assiste à une banalisation des thèses du RN qui ne peut que faciliter l’arrivée au pouvoir de Marine Le Pen. On peut même se demander si certains ne sont pas d’ores et déjà prêts à cohabiter avec elle !

Une démocratie sans débats ? (Édito – novembre 2022)

Il en est un qui fait beaucoup parler de lui en ce moment : le « 49-3 », entendez l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Il permet l’adoption d’un texte de loi par le gouvernement, sans débat préalable à l’Assemblée Nationale. Ce faisant, le gouvernement engage sa responsabilité et s’expose à une motion de censure qui pourrait le renverser si elle obtenait une majorité de voix. Mais dans l’actuelle configuration parlementaire, cette hypothèse reste peu probable.

Discuter et amender des textes de loi proposés par le gouvernement ou des parlementaires est pourtant l’essence même du Parlement, et l’un des fondements de la démocratie. Aussi, pour éviter la tentation d’un recours abusif au 49-3 – il a été utilisé 89 fois par le passé, majoritairement d’ailleurs par des gouvernements de gauche, avec en champion absolu Michel Rocard, qui l’avait dégainé à 28 reprises –  la révision constitutionnelle de 2008 a limité son utilisation, hors textes financiers (loi de finances, financement de la Sécurité sociale), à un seul texte de loi au cours d’une même session parlementaire.

Le gouvernement actuel a déjà eu recours à six reprises au 49-3 depuis la rentrée parlementaire de septembre, pour des textes de nature budgétaire jusqu’ici (projet de budget 2023, financement de la Sécurité sociale pour 2023). Mais ces passages en force répétés augurent mal de l’avenir. Des rumeurs insistantes laissent déjà entendre qu’Élisabeth Borne envisage d’y avoir recours pour la réforme des retraites, voulue à tout prix par Emmanuel Macron. Sous le fallacieux prétexte d’éviter l’obstruction parlementaire d’une avalanche d’amendements à discuter en séance, escamoter les débats sur un sujet aussi essentiel, qui touche directement l’ensemble des Français, constituerait un grave déni de démocratie.

Les ordonnances Macron de 2017, qui ont affaibli le droit du travail en évitant tout débat parlementaire, ont inauguré le premier quinquennat du locataire de l’Élysée. Une réforme des retraites réduisant globalement les droits des retraités, et imposée aux forceps via le 49-3, pourrait bien être l’acte phare du second quinquennat. Bouclant ainsi la boucle …

Le Rassemblement National et ses faux-semblants (Édito – octobre 2022)

Aujourd’hui il est plutôt convenu dans les milieux de gauche, mais pas seulement, de dénoncer les idées et activités du Rassemblement National. Sans faire la moindre concession aux propos xénophobes et racistes de celui-ci , il faut néanmoins s’interroger plus profondément sur les raisons pour lesquelles tant d’électeurs se tournent vers l’extrême droite.

Sans chercher à faire une analyse approfondie de ce vote, on peut déjà considérer qu’en votant pour le RN, certains expriment un désaveu de notre système politique et dénoncent ainsi implicitement l’absence d’alternative au néolibéralisme. Il faut d’ailleurs souligner les responsabilités de la gauche dans ce manque de perspectives proposées aux électeurs – surtout les plus modestes – et le rôle des pouvoirs successifs qui ont, chacun à leur manière, fait le jeu du RN en le présentant comme un repoussoir.

Mais ces explications ne suffisent pas. En fait, c’est tout un malaise social qui a alimenté au fil des années l’implantation durable de ce parti dans notre pays. A ce titre, il serait intéressant de faire une étude comparative entre la dégradation des services publics et la montée du score du RN dans les petites communes et les villes situées en périphérie des métropoles…

Alors même que la droite « décomplexée » hésite de moins en moins à recourir à un discours de plus en plus sécuritaire et libéral, il est dangereux de s’habituer à la présence de ce courant politique d’extrême droite dans les médias et les institutions. Le RN représente plus que jamais un danger majeur pour la démocratie sociale et politique, malgré sa quête de respectabilité et ses tentatives pour paraître proche des citoyens, dont les plus fragiles seraient pourtant les premières victimes des politiques économiques qu’il préconise.

Finalement, en cette période instable où les risques de voir le RN arriver au pouvoir sont réels, il est temps de trouver les outils pour déconstruire son discours et dénoncer la pratique de ses élus.

Sobriété pour tous ? (Édito – septembre 2022)

En cette rentrée, Macron a décidé de mettre en avant les grandes lignes de la politique qu’il entend mener. Se référant à la canicule et à la sécheresse qui l’a accompagnée, insistant sur les conséquences de la guerre en Ukraine dans le domaine énergétique, il a décrété solennellement la fin de « la période d’abondance » dans laquelle nous aurions vécu jusqu’à maintenant. Désormais, avec le dérèglement climatique, la montée de l’inflation et les restrictions énergétiques qui nous attendent,  nous devrions tous changer de mode de vie et aller vers « une sobriété collective ». Tous, vraiment ? Ceux qui voyagent en jets privés comme ceux qui n’arrivent plus à mettre de l’essence dans leurs voitures pour aller travailler ? Ceux qui claquent des centaines de milliers d’euros en une soirée comme ceux qui font la queue aux restos du cœur ? Quel cynisme !

Le réchauffement climatique produit déjà bel et bien ses effets, la guerre en Ukraine n’est pas près de s’achever et tout laisse à craindre que l’inflation poursuivra sa hausse. On ne peut donc se contenter d’accuser le néolibéralisme et ses soutiens, Macron en tête. Bien sûr, il faut exiger des mesures radicales contre le dérèglement climatique, mais celles-ci doivent nécessairement s’accompagner d’une politique qui s’attaque aux inégalités sociales. Car s’agissant du réchauffement climatique comme de l’inflation, ce sont d’abord, et systématiquement, les plus défavorisés qui en pâtissent.

Enfin, parce que nous sommes ATTAC, nous dénonçons le rôle néfaste des multinationales ici comme  ailleurs, en particulier celles qui exploitent les énergies fossiles. Et nous exigeons la mise en place d’une fiscalité plus juste qui, notamment, taxe les superprofits.

La voie de la démocratie (Édito – juin 2022)

Les élections qui viennent d’avoir lieu expriment de manière nouvelle la nécessité de rénover la démocratie dans notre pays. Ainsi, elles participent à la remise en cause du caractère présidentiel de notre constitution, qui depuis quelques temps donnait d’office une majorité absolue au président élu. Les résultats se rapprochent de ceux d’une élection à la proportionnelle, qui permettrait enfin au parlement de jouer son rôle et pourrait déboucher sur une démocratisation de notre système politique.

En même temps apparaît cependant un phénomène qui va à l’encontre de celle-ci, à savoir la baisse récurrente du taux de participation. Peut-on se satisfaire d’une démocratie dans laquelle un électeur sur deux ne se déplace pas ? Tout ceci est encore plus préoccupant si on considère également la montée des idées de l’extrême droite, l’ennemie mortelle de la démocratie… Ne doit-on pas voir dans ces deux phénomènes la preuve d’une forme de démission d’une partie de nos concitoyens, qui ne croient plus en la capacité des politiques – et, plus grave encore, de la politique – à améliorer leur quotidien ? Confrontés à la complexité de la situation actuelle (chômage et précarité, menaces climatiques et sanitaires, guerre en Ukraine, flux migratoires, etc.), ils deviennent plus perméables aux sirènes populistes du RN.

Il faut donc créer les conditions de débats démocratiques à tous les échelons (du quartier jusqu’au parlement, en passant par la commune) et contrecarrer la mainmise des puissances d’argent sur les médias. ATTAC, en tant qu’association d’éducation populaire, pourra prendre sa place dans ce mouvement salutaire, mais c’est l’ensemble des forces progressistes et écologiques qui doit en devenir le moteur… Espérons, à ce titre, que la dynamique née pendant ces élections se poursuivra et sera soutenue par un puissant mouvement social.

Un moment historique ? (Édito – mai 2022)

Dans les médias, le terme « historique » est souvent utilisé pour qualifier tel ou tel événement. Il s’agit la plupart du temps d’attirer l’attention de ceux à qui ces actualités s’adressent, en réaction à une certaine banalisation de l’information.

Est-ce que les élections législatives des 12 et 19 juin mériteront cette appellation ? En tout cas, c’est la première fois que les forces sociales et écologiques présentent des candidats uniques dès le premier tour !

Dès la veille du deuxième tour de l’élection présidentielle, ATTAC appelait à battre Macron dans la rue après avoir battu Le Pen dans les urnes… En effet, et la nomination d’Elisabeth Borne au poste de première ministre semble le confirmer, Macron va poursuivre sa politique technocratique et autoritaire au service des plus riches.

Un petit espoir existe toutefois aujourd’hui de voir mettre en œuvre une nouvelle politique favorable aux plus modestes et propice à la défense du climat. Pour autant, quels que soient le résultat des élections législatives et le gouvernement qui en résultera, il faudra de toute façon de fortes mobilisations, de puissants mouvements sociaux, que ce soit pour empêcher la poursuite des politiques passées ou pour permettre le succès d’une expérience nouvelle de changement politique. Pour sa part, ATTAC aura toujours à cœur, quoiqu’il arrive, de poursuivre à la fois son action résolue contre les inégalités sociales – par une meilleure répartition des revenus, une fiscalité plus juste, le développement des services publics – et son engagement prioritaire contre le dérèglement climatique.

Éviter le pire… (Édito – avril 2022)

Pour la troisième fois en vingt ans, le système électoral prévu par notre constitution impose aux forces sociales et écologistes de voter en quelque sorte par défaut. Il les oblige à choisir d’éviter le pire, à savoir l’extrême droite, sans leur permettre de faire pleinement valoir leur choix. Et les législatives qui vont suivre, même s’il faut agir pour tenter d’en faire un troisième tour victorieux, risquent fort de donner une majorité absolue au Président élu. Si l’on ajoute à tout cela les difficultés rencontrées par deux des trois candidats arrivés en tête pour recueillir les 500 signatures, force est de constater que la constitution doit changer, ou du moins que cette élection présidentielle, qui continue à avoir la préférence des Français, doit être modifiée… Cependant, on ne peut se contenter de ce constat car il faut aussi considérer plus largement la situation de nos instances électives. En effet, grâce au rôle joué par le taux d’abstention et la notoriété locale, des partis qui ne comptent désormais plus beaucoup à l’élection présidentielle continuent de diriger un grand nombre de collectivités territoriales. Comment, dans ces conditions, notre démocratie  représentative peut-elle fonctionner, si ce n’est en encourageant l’autoritarisme du chef de l’État ? Un autoritarisme auquel Emmanuel Macron ne s’est pas privé d’avoir recours.

Finalement, il faudra que la classe politique accepte que notre système présidentiel soit remis en cause, que des élections à la proportionnelle donnent toute leur place aux députés et qu’une plus grande décentralisation soit mise en place. Tout ceci, bien sûr, ne pourra pas éviter aux partis politiques de s’interroger sur la désaffection dont ils font l’objet.

Tous sur le pied de guerre pour l’accueil des Ukrainiens (Édito – mars 2022)

Depuis la tentative d’invasion de l’Ukraine par la Russie, nos institutions locales – au diapason de la France et de l’Europe – sont mobilisées comme jamais pour le meilleur accueil possible des migrants ukrainiens. Dans le cadre du dispositif de « protection temporaire » créé par l’UE il y a une vingtaine d’années, les engagements sont (quasi) sans limite : assurer une scolarisation immédiate, un hébergement sécure immédiat, un accès aux soins et à des ressources financières, un droit au travail immédiat… La ville de Nancy a affrété des bus pour aller chercher des familles jusqu’en Pologne. Le Préfet et le Secrétaire Général de la Préfecture les ont accueillies en personne.

Nous, membres d’ATTAC, nous en réjouissons pleinement. Quel plaisir de constater que nos édiles ont le cœur sur la main lorsque les enjeux géopolitiques les y astreignent. Quelle réjouissance de constater qu’ils savent mettre à disposition leurs services à hauteur des besoins de l’accueil de plusieurs centaines d’étrangers.

Bien sûr, nous nous insurgeons contre la folie guerrière de Poutine comme de tous autres élans mortifères, de quelque pays qu’ils proviennent.

Bien sûr, nous nous insurgeons contre les discriminations en œuvre à la frontière pour trier les migrants demandant le droit d’entrée en Pologne, tout comme nous sommes révoltés par ce même sort que subissent des centaines de sans-papiers vivant en Meurthe-et-Moselle depuis plusieurs années. Chaleureusement, nous souhaitons donc la bienvenue aux Ukrainiens à Nancy. Nous en appelons à un traitement aussi généreux de tous les migrants dans notre département : d’où qu’ils viennent, quoi qu’ils fuient. En soi, il n’y a pas de migrants plus méritants que d’autres. Tous doivent être accueillis dans un esprit de fraternité…

et sur un même pied d’égalité !

Ce texte a été lu en public lors du dernier Cercle de silence du samedi 26 mars, place Stanislas.