Le capital avant le travail (Édito – mars 2023)
L’objectif de la réforme des retraites qu’Emmanuel Macron veut imposer est purement financier : maintenir les dépenses de retraites à leur niveau actuel, en dessous de 14% du PIB. Ce qui entraînera, en raison du vieillissement de la population, une baisse du niveau moyen des pensions par rapport à l’ensemble des revenus d’activité. En d’autres termes, comme le remarque le Conseil d’orientation des retraites, le niveau de vie des retraités diminuera par rapport à l’ensemble de la population.
L’argumentaire néolibéral du pouvoir macronien et de la Commission européenne est que les retraites ont un poids excessif et contribuent aux déficits publics qu’il convient de réduire à tout prix. Or, si l’on analyse de près l’évolution des comptes publics, on voit que les causes principales des déficits sont ailleurs. Leur augmentation, ces dernières années, provient de l’érosion des recettes publiques, dont le poids en pourcentage du PIB n’a cessé de diminuer. Ainsi, de 2007 à 2021, les recettes fiscales de l’État sont passées de 14,2% à 12,2% du PIB.
Cette érosion est due aux baisses d’impôts et de cotisations sociales, principalement en faveur des entreprises et des ménages les plus riches. Cette politique anti-impôts s’est accélérée pendant l’ère Macron, notamment avec la suppression de l’ISF et des impôts de production sur les entreprises.
Mais il faut aller plus loin dans l’analyse des comptes publics. Contrairement au discours officiel, largement repris dans les médias, les retraites sont loin d’être le poste des dépenses publiques dont la progression est la plus forte. Ce record est détenu par les aides publiques aux entreprises (APE), dont la croissance a été de 5% par an en termes réels (hors inflation) entre 2007 et 2021, soit 2,5 fois plus que les dépenses de retraite.
Or les APE – subventions publiques, crédits d’impôt et baisses de cotisations sociales patronales – posent un double problème. D’une part, il est reconnu qu’elles sont peu efficaces ? Ainsi en est-il des baisses de cotisations sociales permises par le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui a été pérennisé par Emmanuel Macron. D’autre part, les APE contribuent à déséquilibrer les comptes de l’État et de la protection sociale, dont font partie les retraites. Prompt à imposer l’austérité à l’assurance-vieillesse ainsi qu’aux services publics, le gouvernement s’oppose à tout débat public sur la pertinence des APE, dont le poids est devenu exorbitant, estimé à 160 milliards d’euros par an, soit 6,4% du PIB, et qui bénéficient surtout aux grandes entreprises.
Il y a bien deux poids, deux mesures pour le travail et le capital…
Précision : cet édito est la reprise d’un texte de Dominique Plihon, paru dans la revue Politis. Dominique Plihon est membre du conseil scientifique d’Attac.