L’Éducation Nationale : une école en situation de handicap !
Alors que nous fêtons le 20ème anniversaire de la loi du 11 février 2005 – loi qui accorde le droit à l’accès au service public de l’Éducation pour les enfants ou adolescents handicapés – qu’en est-il concrètement, aujourd’hui, sur le terrain ?
Favoriser l’inclusion des enfants en situation de handicap à l’école, dès la maternelle et ce jusqu’au lycée ? Une vraie bonne idée au départ, qui prône la tolérance, pourfend la discrimination et redonne de l’espoir aux jeunes parents qui ont à faire le deuil de l’enfant au parcours rêvé. Mais cette proposition d’inclusion n’est viable que si l’on s’en donne les moyens… et des moyens humains avant tout. C’est bien là que le bât blesse.
Depuis 2005, la scolarisation des enfants handicapés a triplé : 134 000 en 2004, 436 000 en 2022. Ce n’est pas le cas du nombre d’AESH (Accompagnantes* des Élèves en Situation de Handicap) embauchées pour les accompagner.
En exemple, cette école élémentaire accueillant neuf élèves handicapés pour lesquels la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) a notifié une scolarisation avec accompagnement humain, et qui ne se voit attribuer, à la rentrée, que quatre AESH ! Le compte n’y est pas, et ce scénario est loin d’être unique.
À ceci viennent s’ajouter des conditions de travail telles que les démissions se font de plus en plus nombreuses :
- les AESH accompagnent des enfants aux handicaps très divers, souffrant de troubles autistiques et du comportement parfois sévères. Elles vivent de réels épisodes de violence : insultes, morsures, coups de pied… Ces troubles relèvent d’éducateurs spécialisés (trois ans de formation) exerçant en ITEP (Institut Thérapeutique Educatif et Pédagogique) ou en IME (Institut Médico-Educatif), établissements qui en sont à deux ans de liste d’attente pour accueillir un nouvel enfant ; avant les AESH accompagnaient des enfants souffrant de troubles DYS – dyslexie, dysgraphie, dyspraxie, dyscalculie… –, nécessitant qu’on les aide à hiérarchiser et décomposer les tâches demandées par l’enseignant ;
- leur formation pour ce public devenu très spécialisé est limitée à 60 heures ;
- il arrive fréquemment qu’elles partagent leur
stemps entre des enfants d’établissements différents et, en dépit des déplacements incessants que cela nécessite, ne sont aucunement dédommagées de leurs frais kilométriques. Mais sûrement considère-t-on que ce n’est pas un souci, étant donné qu’elles gagnent quand même 900 €/mois ! N’est-ce pas royal ? - Elles sont très régulièrement déplacées, même si elles avaient noué un lien positif et motivant avec un enfant aux besoins particuliers. L’aspect relationnel n’est tout simplement pas pris en compte.
Notre gouvernement actuel, dont l’Éducation ne semble pas être la priorité, fait la sourde oreille aux demandes de revalorisation de ce type d’emplois précaires, mais indispensables.
Faut-il avoir un enfant handicapé pour être sensible à la cause ? Comme par exemple Bruno BONNEL – député de la majorité présidentielle – qui avait appuyé un amendement déposé à l’Assemblée nationale par François RUFFIN pour une revalorisaton des salaires des AESH.
Le fait qu’un enfant handicapé soit mal (à temps partiel) ou non accompagné a pour conséquence de mettre en souffrance tout le monde dans sa classe : lui-même car il vit une situation inadaptée à ses besoins, l’enseignant qui doit déjà composer avec une classe surchargée et des élèves aux profils et difficultés variés, ses camarades qui subissent ses crises, parfois violentes et son mal-être du fait qu’il ne se trouve pas au bon endroit. Être plongé dans une classe de 28 élèves est, pour un enfant présentant des troubles autistiques, une situation d’une violence extrême qu’il va exprimer à sa manière. L’AESH est alors indispensable pour l’accompagner hors de la classe et lui apporter le réconfort nécessaire. Encore faut-il être formée pour cela !
L’inclusion, à l’école, des enfants en situation de handicap avec des moyens adaptés, OUI ! À tout prix et sans moyens suffisants, NON !
* Les hommes à ce type de poste étant très peu nombreux, le féminin sera utilisé pour désigner les AESH.