Haro sur la science ?
Les avancées de la science ont fortement modelé depuis plusieurs générations notre mode de vie et notre travail, elles ont été synonymes de progrès constant et de mieux-être. Bien sûr, il s’est toujours trouvé quelques « marchands de doute » – efficaces relais des grands groupes qui les rémunéraient avec pour seule boussole les gains financiers – pour remettre habilement en cause dans les médias les acquis de la science. Ainsi en a-t-il été par exemple des conséquences du tabagisme sur la santé, des effets nocifs des pesticides, des pluies acides, du trou d’ozone, et aujourd’hui du réchauffement climatique. Mais devant l’accumulation des peuves, la vérité a toujours fini par s’imposer.
Pourtant, les attaques contre la science gagnent du terrain depuis quelques années, avec notamment le développement d’internet, des réseaux sociaux, des médias numériques et la dérégulation de l’information. Longtemps anecdotiques, elles ont accédé à une nouvelle visibilité et une audience démultipliée, aidées en cela par les médias très actifs de la complosphère, qui n’ont pas manqué de s’en faire les promoteurs.
La tendance est particulièrement marquée dans les pays qui ont vu des gouvernements autoritaires et réactionnaires accéder au pouvoir, comme la Hongrie, l’Inde, l’Argentine, et maintenant les États-Unis : le résultat des élections américaines a redonné un nouvel élan à ce mouvement, avec le duo Trump-Musk qui s’en est fait le chantre jusqu’à la caricature. Il s’agit pour eux de rejeter les connaissances qui ne sont pas en accord avec leur idéologie, leurs croyances ou leurs intérêts. En voici deux exemples éloquents : l’administration Trump a supprimé sur les sites gouvernementaux des milliers de jeux de données relatifs au climat, à l’environnement ou au genre ; elle a par ailleurs procédé à des coupes budgétaires drastiques entrainant le licenciement de centaines de scientifiques et d’experts de ces questions.
Ces attaques contre la science vont par ailleurs de conserve avec celles qui visent les services publics – accusés de tous les maux –, les femmes ou encore les minorités. Elles constituent l’une des manifestations de la progression des idées réactionnaires.
En France aussi, ces idées se diffusent partout, jusque dans les plus hautes sphères de l’Etat. Il y a eu l’exclamation de Nicolas Sarkozy « L’écologie, ça commence à bien faire », puis l’accusation d’ « éco-terrorisme » lancée par Gérald Darmanin à l’encontre des écologistes, ainsi que sa tentative avortée de dissoudre « Les amis de la Terre ». Il y a eu l’anathème « islamo-gauchisme » jeté à des scientifiques jusque dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Et n’oublions pas la réduction de la part du financement de l’Enseignement supérieur et de la recherche dans le budget 2025… Les signes inquiétants ne manquent pas. En témoignent également les remises en cause récentes d’organismes comme l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie), l’INRAE (Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement) ou l’OFB (Office Français de la Biodiversité).
Les résultats scientifiques ne relèvent pas d’une opinion, ils sont l’aboutissement d’une démarche rigoureuse, passée par le filtre du jugement par les pairs. Il est essentiel que les scientifiques puissent conserver leur liberté académique et rester indépendants des aléas du pouvoir politique.