ATTAC-54

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L’essentiel du 6e rapport de synthèse du GIEC

Le GIEC – Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – vient de publier le rapport de synthèse qui clôture son sixième cycle d’évaluation. Il y fait le point sur l’ensemble des connaissances scientifiques concernant le changement climatique en cours.

Le rapport réaffirme tout d’abord avec force la responsabilité des activités humaines dans le réchauffement global. Toutes les données concordent pour pointer du doigt les émissions de gaz à effet de serre (GES) – liées surtout à l’utilisation des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) – comme principale cause de ce réchauffement.

Les conséquences sont multiples :

• les évènements climatiques extrêmes comme les vagues de chaleur, les tempêtes et cyclones, les fortes pluies ou les sécheresses deviennent plus intenses et plus fréquents ;

• certaines évolutions comme la modification des océans ou la fonte des calottes glaciaires sont d’ores et déjà irréversibles, pour les décennies, voire les siècles à venir ;

• près de la moitié de la population mondiale vit actuellement dans des zones – pour la plupart situées au Sud – devenues très vulnérables, : montée du niveau des océans, inondations, sécheresses, canicules, pénuries alimentaires, risques sanitaires, etc ;

• la biodiversité est fortement impactée, de nombreuses espèces animales et végétales ont déjà disparu ou sont menacées à court terme.

Ces conséquences viennent en interactions avec d’autres risques non liés directement au climat, pour créer des situations de crise – économique, migratoire, sanitaire, sociale ou autres – qui vont se multiplier et s’accentuer dans les décennies à venir.

Le rapport souligne aussi une injustice climatique criante : ce sont les populations qui ont le moins contribué à ce réchauffement – essentiellement les pays pauvres du Sud – qui doivent en subir les conséquences les plus graves. Cette « dette climatique » des pays riches devrait se traduit par une importante compensation financière, mais ils ne tiennent pas leurs promesses et n’abondent que très insuffisamment les fonds destinés à aider les pays pauvres dans leur lutte contre le réchauffement.

Les  scientifiques du GIEC ne manquent toutefois pas de rappeler que les solutions existent, mais qu’il faudra une volonté politique forte pour les mettre en œuvre. Ils mettent ainsi nos décideurs devant la lourde responsabilité qu’ils portent vis à vis des générations futures.

Après avoir fait le constat que les mesures prises jusqu’ici sont largement insuffisantes au regard des besoins, les rédacteurs du rapport montrent la voie à suivre à travers trois axes.

La première des nécessités est de sortir à court terme des énergies fossiles et d’investir massivement dans le renouvelable. Les banques ont une responsabilité importante de ce point de vue, à travers leurs financements qui devraient être réservés prioritairement aux projet vertueux pour le climat. Nous sommes pour l’instant loin du compte.

Le deuxième point se résume à un seul mot : sobriété. Il est indispensable de réduire fortement notre consommation, notamment de produits manufacturés et/ou qui viennent de loin. Les plus riches devront faire un effort particulier, car ils contribuent de manière disproportionnée aux émissions de GES. Mais cette sobriété ne pourra devenir effective qu’à travers des politiques ambitieuses en rupture avec les modèles actuels. Le défi est de taille, car il s’agit de baisser d’au moins 40 % les émissions de GES d’ici 2050 !

Enfin, le déploiement rapide de solutions d’adaptation est indispensable pour infléchir le réchauffement planétaire et en atténuer les effets : arrêt de la déforestation dans les zones tropicales, agroforesterie, végétalisation des villes en sont quelques exemples. Le GIEC a simulé 5 scénarios climatiques possibles pour les 80 ans à venir. Pour l’heure nous nous trouvons plutôt sur la trajectoire du plus pessimiste d’entre eux. Les deux plus vertueux nous assureraient pourtant un « avenir vivable et durable pour tous », mais ils supposent de mettre sur pied sans tarder une coopération internationale pour agir vite et fort dans la mise en œuvre des solutions proposées.

Appel pour une taxation des transactions financières

Les entreprises du CAC 40 engrangent des bénéfices records, les fortunes des plus riches s’envolent. Ces constats sont à l’origine d’un appel, soutenu par de nombreuses personnalités à travers le monde, pour la taxation (0,1%) des transactions financières. L’argent ainsi récupéré serait destiné à la transition écologique et à l’aide aux pays du Sud dans leur lutte contre le réchauffement climatique.

L’idée de taxer les transactions financières est à l’origine même de la création d’Attac, il y a 25 ans. Attac-54 ne peut donc que soutenir sans réserve cette initiative.

Vous pouvez signer l’appel ici : https://taxonslaspeculation.com/

Le capital avant le travail (Édito – mars 2023)

L’objectif de la réforme des retraites qu’Emmanuel Macron veut imposer est purement financier : maintenir les dépenses de retraites à leur niveau actuel, en dessous de 14% du PIB. Ce qui entraînera, en raison du vieillissement de la population, une baisse du niveau moyen des pensions par rapport à l’ensemble des revenus d’activité. En d’autres termes, comme le remarque le Conseil d’orientation des retraites, le niveau de vie des retraités diminuera par rapport à l’ensemble de la population.

L’argumentaire néolibéral du pouvoir macronien et de la Commission européenne est que les retraites ont un poids excessif et contribuent aux déficits publics qu’il convient de réduire à tout prix. Or, si l’on analyse de près l’évolution des comptes publics, on voit que les causes principales des déficits sont ailleurs. Leur augmentation, ces dernières années, provient de l’érosion des recettes publiques, dont le poids en pourcentage du PIB n’a cessé de diminuer. Ainsi, de 2007 à 2021, les recettes fiscales de l’État sont passées de 14,2% à 12,2% du PIB.

Cette érosion est due aux baisses d’impôts et de cotisations sociales, principalement en faveur des entreprises et des ménages les plus riches. Cette politique anti-impôts s’est accélérée pendant l’ère Macron, notamment avec la suppression de l’ISF et des impôts de production sur les entreprises.

Mais il faut aller plus loin dans l’analyse des comptes publics. Contrairement au discours officiel, largement repris dans les médias, les retraites sont loin d’être le poste des dépenses publiques dont la progression est la plus forte. Ce record est détenu par les aides publiques aux entreprises (APE), dont la croissance a été de 5% par an en termes réels (hors inflation) entre 2007 et 2021, soit 2,5 fois plus que les dépenses de retraite.

Or les APE – subventions publiques, crédits d’impôt et baisses de cotisations sociales patronales – posent un double problème. D’une part, il est reconnu qu’elles sont peu efficaces ? Ainsi en est-il des baisses de cotisations sociales permises par le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui a été pérennisé par Emmanuel Macron. D’autre part, les APE contribuent à déséquilibrer les comptes de l’État et de la protection sociale, dont font partie les retraites. Prompt à imposer l’austérité à l’assurance-vieillesse ainsi qu’aux services publics, le gouvernement s’oppose à tout débat public sur la pertinence des APE, dont le poids est devenu exorbitant, estimé à 160 milliards d’euros par an, soit 6,4% du PIB, et qui bénéficient surtout aux grandes entreprises.

Il y a bien deux poids, deux mesures pour le travail et le capital…

Précision : cet édito est la reprise d’un texte de Dominique Plihon, paru dans la revue Politis. Dominique Plihon est membre du conseil scientifique d’Attac.

L’A31 bis… bis

On vous en a parlé récemment… on y revient.

La concertation de quelques mois menée sous l’égide de la CNDP (Commission Nationale du Débat Public) a récemment pris fin après d’âpres débats. Il en ressort un rapport qui met en évidence une expression citoyenne penchant massivement vers l’abandon du projet de toute nouvelle infrastructure (auto)routière destinée à fluidifier le flux des véhicules sur cet axe quotidiennement sur-encombré. Malgré tout, le rapporteur préconise certaines options parmi les quelques-unes proposées. Lesquelles ? Peu importe, du moment qu’elles visent à bitumer, bétonner, macadamiser, favoriser l’automobile encore et toujours !

Le message des participant.es à la concertation était pourtant clair : doubler l’A31 est une ineptie d’un autre temps ; et les alternatives envisageables sont pléthore.

Si vous souhaitez refaire le tour de la question, vous pouvez vous référer au site dédié à la concertation (https://www.a31bis.fr/fr/) et surtout – pour les alternatives – aux productions du collectif Alternatives31 (voir le pdf ci-dessous).

Toujours est-il que l’abandon n’est pas gagné, bien au contraire.

Habitués à user sans limite de leur pouvoir éculé (le 49.3, ça vous évoque quelque chose ?), aveugles à la nécessaire bifurcation écologique, rétifs à la justice sociale… nos gouvernants risquent bien, une fois de plus, de donner leur feu vert à ces entreprises qui se lèchent déjà les babines de voir naître ce projet si bénéfique pour leurs actionnaires.

Ce n’est pas gagné… mais ce n’est pas perdu non plus ! Alternatives31 persiste et lance une pétition pour rappeler le Ministre des transports au bon sens, celui des mobilités douces, saines, multi-modales et collectives, celui de la sobriété et de la santé, celui de la biodiversité et de l’écologie, celui de l’avenir et de la Vie.

Vous savez ce qu’il vous reste à faire… Pour signer la pétition, c’est ici.

Les droits des exilés menacés ! (Édito – février 2023)

Le 29ème projet de loi sur l’immigration depuis 1980 a été présenté au Conseil des ministres le 1er février, avant d’être examiné au Sénat, puis à l’Assemblée Nationale au printemps. S’inscrivant délibérément dans une vision utilitariste et répressive, ce projet a conduit les associations de défense des droits des exilés à dénoncer « des mesures qui risquent de rogner davantage les droits des personnes étrangères ».

Ainsi, présenté comme visant à faciliter les expulsions des « étrangers délinquants », ce projet cherche d’abord à « réformer structurellement » le droit d’asile dans le but d’accélérer les procédures et d’expulser plus efficacement… Quant au volet intégration, il propose un titre de séjour « métiers en tension » qui revient à faire des migrants une main-d’œuvre de circonstance, précarisée et… jetable.

Alors que la dématérialisation prive déjà de nombreux étrangers d’un accès au séjour, ce projet de loi tend à restreindre le droit au séjour et le droit d’asile. Au lieu d’accueillir dignement celles et ceux qui fuient la guerre, les persécutions, la misère ou les conséquences du dérèglement climatique, il s’agit au contraire de renforcer les moyens qui les empêcheront  d’accéder ou de rester sur le territoire.

Les associations et syndicats appellent à manifester partout en France, le 4 mars, pour dénoncer  une réforme qui vise à « considérer les étrangers comme une population de seconde zone, privée de droits, précarisée et livrée à l’arbitraire du patronat, de l’administration et du pouvoir ».

Si le Rassemblement National nous était conté…

Le RN des villes et le RN des champs

Voici une fable sur l’espèce RN,
Qui est une engeance tristement pérenne.
Il fut un temps où le RN des villes
Etait une denrée fort rare, pas plus d’un sur mille.
Son proche cousin le RN des champs
Etait bien plus répandu et plus entreprenant.

Il s’appelait alors FN de son vrai nom,
Mais il le changea plus tard sans façon.
Pour s’adapter à un monde en mutation,
La nature fit jouer la sélection,
Pour privilégier le RN des villes fort présentable
Au RN des champs peu fréquentable.

Ce dernier affectionne le langage grossier
Quand l’autre utilise une prose bien plus châtiée.
Le fond du discours restait identique,
Mais il sut lui donner une forme moins antipathique.
Il était question de dédiabolisation et de banalisation,
Et beaucoup se laissèrent berner par cette illusion.

Le RN des champs était prévisible
Quand il prenait les étrangers pour cible.
Mais son cousin des villes, plus sournois,
Sait rester sur la question bien plus coi.
En matière d’économie il est très à droite,
Et sa vision de l’écologie est fort étroite :
Il voit le nucléaire comme la meilleure arme
Pour lutter contre le réchauffement qui nous alarme.

Le RN des villes fait jouer dans les médias sa fibre sociale,
Mais toute autre est son attitude à l’Assemblée Nationale.
Revaloriser de 10% les salaires des fonctionnaires ?
Il a voté contre, il n’en a rien à faire.
En faire autant pour les APL ?
Il a voté contre, et c’est sans appel.
Amener les retraites au niveau du Smic ?
Il a voté contre, ce serait gaspiller du fric.
Monter les minima sociaux au niveau du seuil de pauvreté ?
Il a voté contre, faudrait pas non plus exagérer !
Donner au Smic un coup de pouce appréciable ?
Il a voté contre, les gagne-petit ne sont pas des notables.
Geler les loyers en cette période difficile ?
Il a voté contre, ce serait trop facile.
Bloquer les prix des produits de première nécessité ?
Il a voté contre, les petites gens n’ont qu’à se débrouiller.
Rétablir l’ISF pour les plus fortunés ?
Il a voté contre, ses amis il ne veut pas froisser.
Instaurer une taxation sur les superprofits ?
Il a voté contre, son libéralisme le lui interdit.

Et quand il propose d’augmenter de 10% dans les entreprises,
Les salaires inférieurs à trois fois le minimum,
C’est sur les cotisations patronales que la dépense est prise,
Et donc les comptes de la Sécu il plombe un maximum.

La morale de cette histoire,
Pour autant qu’on en puisse voir,
Est que quand le RN des villes veut montrer une fibre sociale,
Cette posture est une supercherie monumentale.
De son cousin le RN des champs il a gardé les idées,
Et tout en avançant masqué, il n’est pas prêt d’en changer.

Retraite : un choix de société (Édito – janvier 2023)

A la Libération, les fondateurs de la Sécurité sociale ont institué la pension de retraite comme la continuation du salaire. La forme la plus aboutie en est la retraite de la fonction publique d’Etat : il n’y a pas de caisse de retraite, la « cotisation retraite » qui apparaît sur le bulletin de salaire n’en est pas une, elle ne sort pas des caisses de l’Etat, qui verse lui-même les pensions aux retraités ; le montant des pensions, calculé sur le salaire des six derniers mois, représente 75 % du salaire brut, soit presque l’équivalent du salaire net.

Les multiples « réformes » du système de retraite depuis 35 ans visaient d’une part à diminuer le montant des pensions, d’autre part à les individualiser en changeant leur nature de « salaire continué » en « revenu différé » : indexation sur les prix – censée maintenir le pouvoir d’achat – et non plus sur les salaires, calcul sur les 25 meilleures années et non plus sur les 10 meilleures années, relèvement de l’âge légal de départ à la retraite et du nombre d’années de cotisation donnant droit au taux plein, instauration d’un système de décotes et de surcotes.

La nouvelle « réforme » que veut imposer Macron contre l’avis de la majorité des Français ne « sauverait » pas un régime des retraites qui n’en a pas besoin (voir l’article ci-dessous). Non, cette énième « réforme » ne ferait que paupériser et précariser un nombre toujours plus grand de personnes âgées, tout en incitant celles qui en ont les moyens à se tourner de plus en plus vers les différentes formes d’épargne individuelle, souvent défiscalisées, donc à la charge des contribuables. Elle accélérerait ainsi le mouvement de retour vers un système de retraites fondé sur la propriété, contre la retraite-salaire, fondement de la Sécurité sociale.

Cette « réforme » repose sur le choix d’une société où le modèle du rentier se substitue à celui du salarié à vie et le « chacun-pour-soi » au principe de solidarité : « à chacun selon ses besoins, de chacun selon ses moyens ». Une société où dominent les inégalités et l’insécurité.

Les bobards de la macronie et autres «réformateurs»

Cette « réforme » est nécessaire pour équilibrer les comptes du système de retraite ? NON.

Selon les prévisions du Conseil d’orientation des retraites, le système n’est pas en déficit et ne le sera pas jusqu’en 2030. Et s’il en était besoin pour qu’il reste en équilibre après cette date, il y aurait d’autres solutions qu’un report de l’âge légal de départ à la retraite ou une augmentation de la durée de cotisation : par exemple, mettre fin aux multiples exonérations accordées aux entreprises sans contrepartie ni contrôle, augmenter légèrement le taux des cotisations et bien sûr, en premier lieu, augmenter les salaires, ce qui alimenterait mécaniquement les caisses de la Sécurité sociale et autres caisses de retraite.

Cette « réforme » permettrait de « sauver » le système par répartition ? NON.

Non seulement il n’a pas besoin d’être « sauvé », mais les multiples réformes qui nous ont été imposées depuis plusieurs décennies l’ont déjà été au nom de cette soi-disant nécessité. Pourtant, il en faut toujours une de plus pour prétendre y parvenir. Et celle-ci, si elle était mise en œuvre, avec toujours la même recette – nous « faire travailler plus longtemps » –, ne rapporterait guère plus que les précédentes. Et pour cause…

En 2021, selon un rapport du Conseil d’orientation des retraites, 65 % des personnes de 60 à 64 ans n’occupaient déjà plus d’emploi. La « réforme » ne les ferait donc pas travailler et cotiser « plus longtemps ». De plus, les économies réalisées par les caisses de retraite sur les pensions qui ne leur seraient plus versées entre 62 et 64 ans seraient en partie compensées par des dépenses supplémentaires d’autres institutions ou dispositifs (assurance-chômage, assurance-maladie, minima sociaux). Quant à ceux qui continueraient à travailler jusqu’à 64 ans, ils occuperaient des emplois qui ne seraient donc pas disponibles pour des personnes plus jeunes.

En revanche, le durcissement des conditions d’accès à une retraite complète permettrait aux régimes de retraite de faire d’importantes économies par une baisse du montant des pensions. En effet, un nombre croissant de personnes n’atteindraient pas les 43 ou 44 années de cotisation nécessaires pour une retraite à taux plein et percevraient des pensions plus faibles, sur toute la durée de leur retraite. C’est bien là, en effet, le but réel et le résultat effectif des mesures successives d’allongement de la durée de cotisation, qui font déjà leur effet suite aux précédentes réformes et se traduisent par une paupérisation croissante des personnes âgées. A l’opposé du prétendu « sauvetage » du système de retraite, cette nouvelle réforme serait pour nombre d’entre elles un retour vers l’insécurité d’avant la Sécu.

Puisque l’espérance de vie augmente, il faut travailler plus longtemps ? NON.

Si l’espérance de vie augmente globalement, il s’agit d’une moyenne qui masque d’énormes inégalités selon la situation sociale et professionnelle. L’écart entre l’espérance de vie à la naissance des 5 % les plus pauvres et celle des 5 % les plus aisés est de 13 ans chez les hommes et de 8 ans chez les femmes ; l’espérance de vie à 35 ans d’un ouvrier est inférieure de 7 ans à celle d’un cadre.

Est-il « juste » d’obliger un éboueur, un ouvrier du bâtiment, une aide-soignante, un chauffeur routier, une institutrice ou une employée de crèche à travailler jusqu’à 64 ans, alors que beaucoup sont déjà épuisés, cassés, démotivés bien avant cet âge ? Est-ce raisonnable alors qu’à 35 ans, l’espérance de vie en bonne santé d’un ouvrier est inférieure de 10 ans à celle d’un cadre ? C’est aussi une question de santé publique.

Mais surtout, l’emploi est-il le but premier, sinon unique, de l’existence, la seule raison d’être des humains ? Est-ce que tout espace de temps gagné sur la mort, la maladie ou l’invalidité doit être obligatoirement consacré à un « travail » subordonné à un employeur, un supérieur hiérarchique, des clients ou des donneurs d’ordres – même si l’on peut y trouver du plaisir, voire un épanouissement ?

Depuis deux siècles, l’un des objectifs majeurs des luttes ouvrières et du mouvement social a été la conquête du « temps libre », l’un des derniers acquis dans ce domaine – déjà remis en cause et en partie supprimé – étant la retraite à 60 ans. Le temps libre, ce n’est pas l’oisiveté. C’est la liberté de choisir ce que l’on fait, pourquoi, quand et comment on le fait, pour soi, pour sa famille, pour son entourage, pour la société.

Aujourd’hui, les conditions permettent d’en gagner davantage et non d’en perdre, encore faut-il le vouloir. Il faut l’imposer à ce gouvernement au service d’une idéologie rétrograde et des intérêts d’une minorité, empêcher sa « réforme », revenir sur les précédentes et aller encore plus loin dans la conquête du temps libre.

Contre la marchandisation de la médecine

(à partir d’un article de France Inter)

La pandémie dont nous ne sommes pas encore tout à fait sortis a tellement favorisé les laboratoires d’analyse médicale que l’Assurance Maladie  leur a demandé, en retour, de baisser leurs tarifs. C’est pour cette raison qu’ils ont appelé à faire grève à trois reprises depuis novembre. Mais derrière cette opposition se cachent deux réalités différentes, celle des grands groupes qui réalisent des chiffres d’affaires astronomiques et celle des laboratoires indépendants. En fait, depuis 10 ans, on assiste à ce qui peut être considéré comme « le premier exemple de financiarisation presque intégrale d’une discipline médicale en France ». En 2010, les groupes financiers détenaient seulement 16 % des laboratoires, aujourd’hui ils en détiennent 75 % ! Selon Antoine Leymarie, sociologue de la santé à Sciences Po, le but de ces fonds de pension étrangers n’est pas vraiment  l’investissement à long terme. Leur objectif est d’acheter un laboratoire, de le valoriser financièrement, puis de le revendre. En agissant ainsi, ils ne prennent pas de risques, puisque les laboratoires sont financés à 75 % par la Sécurité Sociale…

En tenant tête aux laboratoires sur la baisse des tarifs, l’Assurance Maladie montre qu’elle veut en finir avec les marges exorbitantes des grands groupes, mais on ne sait pas encore jusqu’où ira le soutien que l’État lui apporte. Celui-ci est en partie responsable de ce phénomène de marchandisation de la médecine et, comme le dit A. Leymarie : « Les cotisations sociales qui partent dans ces fonds d’investissement, c’est une question  politique qui doit être débattue avec les citoyens ». Mais n’est-ce pas un excès d’optimisme que de croire qu’un tel débat pourrait réellement avoir lieu ?