ATTAC-54

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Quel protectionnisme choisir ? (Édito – mai 2025)

Le second mandat de Trump est fortement marqué par la volonté de protéger l’économie américaine en taxant fortement les importations, en particulier celles provenant de Chine. L’Union européenne, qui s’est toujours présentée comme le premier défenseur du libéralisme, a bien été obligée de reconsidérer sa politique économique… Aujourd’hui, les progressistes, qui ont souvent du mal à se réclamer du protectionnisme de crainte d’être assimilés aux nationalistes et autres extrémistes de droite, doivent eux aussi se positionner. Anne-Laure Delatte, directrice de recherche au CNRS, relève trois raisons qui peuvent être invoquées pour justifier le protectionnisme : l’indépendance en matière de produits stratégiques, l’environnement et la protection des emplois des ouvriers. ATTAC, qui s’est toujours opposée aux traités de libre échange, peut facilement se reconnaître dans cette démarche et soutenir le principe des relocalisations industrielles. Cependant, il faut prendre garde à ne pas en rester à un souverainisme européen qui s’opposerait simplement au souverainisme américain, voire chinois. Il faut promouvoir un « protectionnisme solidaire » fondé sur des coopérations avec des pays d‘Amérique du Sud, d’Afrique ou d’Asie qui sont eux aussi affectés par la guerre commerciale de Trump. Même s’il n’est pas toujours facile d’instaurer des échanges fondés sur la solidarité et l’équité internationale, la réduction des inégalités sociales et la préservation de l’environnement.

« OFFSHORE », de Renaud Van Ruymbeke

Les paradis fiscaux ont régulièrement défrayé la chronique de ces vingt dernières années, que ce soit à travers les révélations répétées d’un consortium international de journalistes (Luxleaks, Panama papers, Paradise papers, Dubaï papers) ou grâce à des fuites bancaires dues à des lanceurs d’alerte (filiale suisse de la banque HSBC, banque UBS aux Etats-Unis).  Les premières ont jeté la lumière sur des officines spécialisées dans la création des sociétés offshore – littéralement, ce terme signifie “au large des côtes” et par extension, “en dehors des frontières –, rouages essentiels de l’évasion fiscale, légale ou frauduleuse. Les secondes ont pointé du doigt le rôle complice de certaines banques au comportement bien peu éthique.

Dans son livre Offshore – Dans les coulisses édifiantes des paradis fiscaux*, Renaud Van Ruymbeke**, figure emblématique de la lutte anti-corruption, nous fait part de son expérience de juge d’instruction spécialisé au pôle financier du tribunal de Paris, poste qu’il a occupé pendant près de vingt ans. Il y détaille les rouages qui permettent l’évasion et la fraude fiscales, ainsi que le recyclage de l’argent sale. Qu’il s’agisse des unes ou de l’autre, les procédés et les circuits utilisés restent les mêmes.

Le paradis fiscal se caractérise tout d’abord par un secret bancaire absolu, l’absence de transparence est totale, tant concernant les titulaires des comptes que les opérations réalisées. Il dispose par ailleurs d’une fiscalité très avantageuse, avec une imposition sur les revenus, les sociétés  et les plus-values faible, voire nulle. Cela en fait le symbole même de l’injustice fiscale, puisqu’il permet aux plus riches d’échapper à leur juste participation aux dépenses des services publics (hôpitaux, écoles, etc.) de leurs pays. On y trouve des officines de conseils, avec des professionnels qualifiés, qui fournissent à leurs clients, eux-mêmes la plupart du temps de simples intermédiaires de confiance, des dispositifs offshore clés en main. Ceux-ci sont constitués d’une ou plusieurs sociétés écrans – véritables coquilles vides sans bureaux ni salariés – qui permettent d’opacifier la circulation de l’argent et de masquer l’identité des véritables bénéficiaires, ce qui complique considérablement d’éventuelles investigations.

Dans ce monde où l’opacité est la règle première, on croise pêle-mêle des évadés fiscaux – riches particuliers ou multinationales – désireux échapper à l’impôt, des dirigeants et chefs d’État corrompus, des oligarques russes, des mafieux, des trafiquants de drogue. Les sommes dont il est question donnent le vertige : on estime à près de 9 000 milliards de dollars les avoirs cachés dans les paradis fiscaux !

Parler de paradis fiscal évoque des destinations lointaines et exotiques : le Panama, les Bahamas, les Îles vierges britanniques, les Seychelles, les îles Caïmans, Singapour, etc. C’est occulter le fait que des paradis fiscaux, et non des moindres, se trouvent également au sein même de l’Union européenne : la Suisse, les Pays-Bas, l’Irlande, Monaco, le Lichtenstein, Andorre, le Luxembourg, et le plus ancien et plus important de tous, la City de Londres. Grâce au passé colonial de la Grande-Bretagne, celle-ci se trouve au centre d’un réseau de places financières qui en sont les satellites. À l’instar de pays comme la Suisse et le Luxembourg, elle  tire d’importants revenus de la fraude fiscale et malgré les déclarations officielles, rechigne à coopérer dans les faits avec la justice. Tant que l’UE tolèrera cette situation, et se montrera incapable d’imposer des règles de transparence, toute lutte contre les paradis fiscaux sera vouée à l’échec.

Suite aux scandales à répétition révélés par la presse, l’OCDE et le G20 cherchent à mettre en place une véritable coopération fiscale internationale. De nombreux pays ont signé un accord dans ce sens, et voté des lois anti-blanchiment. Mais l’hypocrisie reste encore la règle, car si nombre de places offshore ont adopté des législations conformes aux standards internationaux, il ne s’agit  la plupart du temps que de postures de pure façade. Comme il n’y a pas de contrôle a posteriori, elles n’ont guère eu à modifier leurs comportements dans les faits.

Il semble que les paradis fiscaux ont encore de beaux jours devant eux…

* aux éditions Les Liens qui Libèrent, novembre 2022 (263 pages)

** Renaud Van Ruymbeke est décédé en mai 2024, à l’âge de 71 ans

Fermeture de l’hébergement Faron

L’ancien site militaire de la caserne Faron, à Vandoeuvre, avait été réquisitionné en 2013 pour héberger des demandeurs d’asile. La préfecture de Meurthe-et-Moselle a décidé de fermer ce lieu d’hébergement pour permettre à la ville de Vandoeuvre d’y mettre en oeuvre des projet d’aménagements urbains. L’eau et l’électricité ont coupé le 9 mai dernier, pour forcer les hébergés à quitter les lieux. De nombreuses personnes vont ainsi se retrouver à la rue, sans solution d’hébergement Un collectif d’associations a publié une lettre ouverte à la préfecture. Si Attac-54 ne fait pas partie des signataires, nous soutenons cependant pleinement le collectif dans sa démarche.

Le « pouvoir des juges » contre le peuple ? (Édito – avril 2025)

Le jugement qui a été prononcé à l’encontre des parlementaires du RN et particulièrement de Marine Le Pen a suscité bien des réactions dans le monde politique. Au RN on a crié au « déni de démocratie », tandis que le premier ministre se disait troublé… On voudrait faire de cette décision judiciaire une décision politique visant à empêcher Marine Le Pen de se présenter à l’élection présidentielle de 2027. On a donc beaucoup parlé d’inéligibilité et d’exécution provisoire, mais on a un peu oublié le fond du dossier : c’est d’abord une affaire de détournement de fonds publics. Alors que depuis quelques années tout le monde, et en particulier le RN, appelle à la moralisation de la vie politique, on ne saurait admettre que ce jugement soit un prétexte pour dénoncer une prétendue « tyrannie des juges »… Il faut, certes, faire remarquer que les accusés sont présumés innocents jusqu’à épuisement des voies de recours, mais il faut aussi dire haut et fort que les textes de loi sont faits pour être appliqués pour tout le monde, y compris pour les personnalités politiques de premier plan. Finalement le RN, et pas seulement lui, voudrait remettre en cause l’état de droit en opposant les décisions judiciaires à la « souveraineté populaire ». Accepter dans ces conditions que des parlementaires, voire des membres du gouvernement, puissent critiquer une décision de justice reviendrait tout simplement à remettre en cause un principe de base de notre démocratie : la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.

Haro sur la science ?

Les avancées de la science ont fortement modelé depuis plusieurs générations notre mode de vie et notre travail, elles ont été synonymes de progrès constant et de mieux-être. Bien sûr, il s’est toujours trouvé quelques « marchands de doute » – efficaces relais des grands groupes qui les rémunéraient avec pour seule boussole les gains financiers – pour remettre habilement en cause dans les médias les acquis de la science. Ainsi en a-t-il été par exemple des conséquences du tabagisme sur la santé, des effets nocifs des pesticides, des pluies acides, du trou d’ozone, et aujourd’hui du réchauffement climatique. Mais devant l’accumulation des peuves, la vérité a toujours fini par s’imposer.

Pourtant, les attaques contre la science gagnent du terrain depuis quelques années, avec notamment le développement d’internet, des réseaux sociaux, des médias numériques et la dérégulation de l’information. Longtemps anecdotiques, elles ont accédé à une nouvelle visibilité et une audience démultipliée, aidées en cela par les médias très actifs de la complosphère, qui n’ont pas manqué de s’en faire les promoteurs.

La tendance est particulièrement marquée dans les pays qui ont vu des gouvernements autoritaires et réactionnaires accéder au pouvoir, comme la Hongrie, l’Inde, l’Argentine, et maintenant les États-Unis : le résultat des élections américaines a redonné un nouvel élan à ce mouvement, avec le duo Trump-Musk qui s’en est fait le chantre jusqu’à la caricature. Il s’agit pour eux de rejeter les connaissances qui ne sont pas en accord avec leur idéologie, leurs croyances ou leurs intérêts. En voici deux exemples éloquents : l’administration Trump a supprimé sur les sites gouvernementaux des milliers de jeux de données relatifs au climat, à l’environnement ou au genre ; elle a par ailleurs procédé à des coupes budgétaires drastiques entrainant le licenciement de centaines de scientifiques et d’experts de ces questions.

Ces attaques contre la science vont par ailleurs de conserve avec celles qui visent les services publics – accusés de tous les maux –, les femmes ou encore les minorités. Elles constituent l’une des manifestations de la progression des idées réactionnaires.

En France aussi, ces idées se diffusent partout, jusque dans les plus hautes sphères de l’Etat. Il y a eu l’exclamation de Nicolas Sarkozy « L’écologie, ça commence à bien faire », puis l’accusation d’ « éco-terrorisme » lancée par Gérald Darmanin à l’encontre des écologistes, ainsi que sa tentative avortée de dissoudre « Les amis de la Terre ». Il y a eu l’anathème « islamo-gauchisme » jeté à des scientifiques jusque dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Et n’oublions pas la réduction de la part du financement de l’Enseignement supérieur et de la recherche dans le budget 2025… Les signes inquiétants ne manquent pas. En témoignent également les remises en cause récentes d’organismes comme l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie), l’INRAE (Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement) ou l’OFB (Office Français de la Biodiversité).

Les résultats scientifiques ne relèvent pas d’une opinion, ils sont l’aboutissement d’une démarche rigoureuse, passée par le filtre du jugement par les pairs. Il est essentiel que les scientifiques puissent conserver leur liberté académique et rester indépendants des aléas du pouvoir politique.

L’empreinte carbone du chocolat

Oh les relous qui viennent nous culpabiliser avec le chocolat, maintenant… Alors quand c’est pas la bagnole ou l’avion qu’on utilise trop souvent, la viande de bœuf qu’on mange trop, maintenant c’est par le chocolat qu’on pèche ?

Mais non… Enfin si, un peu… 

D’où vient l’impact carbone du chocolat ? Eh bien, pas tant du transport (quand bien même les cacaoyers ne poussent pas sous nos latitudes…) que de la déforestation : la culture croissante du cacao exige de plus en plus de sols, donc de déforestation. En vingt ans, on est passés de 4 millions d’hectares de terres cultivées en cacao dans le monde à 12 millions, donc autant d’hectares déforestés, autant de forêts stockant le carbone qui ont cessé d’exister.

Ajoutons à cela les conditions de travail très dégradées des paysans producteurs qui font un travail harassant tout en respirant des produits chimiques particulièrement toxiques, ainsi que cela est raconté dans le livre autobiographique de l’auteur camerounais Samy Manga, Chocolaté, Le goût amer de la culture du cacao.

Samy Manga était présent à Nancy en avril 2024 lors du festival Livres d’Ailleurs ; à cette occasion il s’est rendu auprès de collégiens à qui il a expliqué comment travaillait son grand-père mort trop jeune de son travail et avec qui il dialogue dans son livre :

  • Grand-père, pourquoi ces gens prennent tout notre cacao ?
  • Parce qu’il leur appartient, fiston.
  • Grand-père, ce cacao vient de notre plantation.
  • Oui, mais c’est pour eux que nous travaillons cette plantation depuis des générations.
  • Grand-père, nous ne sommes pas des esclaves.
  • En quelque sorte, oui.

Les petits producteurs de cacao tels le grand-père de Samy Manga sont désarmés face aux géants Mars, Ferreiro, Mondelez, Nestlé, Hershey’s, Lindt et Sprüngli, pour ne citer que les plus importants, les requins de l’or vert, comme les appelle Samy Manga.

Que faire alors ? Aussi vertueux que nous soyons au quotidien en n’achetant que du chocolat bio et équitable (ce qui nous laisse supposer que, peut-être, les petits producteurs ont été respectés), en n’achetant que du chocolat en provenance du Pérou (un des rares pays qui cultive son cacao sans déforester), même mis bout à bout, ces petits gestes n’auront pas un grand impact. De plus, ils ne sont pas accessibles à tous : entre une plaque de chocolat « vertueuse » et une autre issue des circuits habituels, l’écart de prix est vertigineux.

Or l’Union Européenne peut imposer aux grands groupes cités plus haut de produire d’une manière plus respectueuse des travailleurs et de l’environnement. Elle s’est ainsi dotée en 2023 d’un règlement qui vise à interdire la mise sur le marché européen de produits ayant contribué à la déforestation. On attend juste sa mise en application. Et on espère très fort qu’il ne sera pas vidé de sa substance entretemps.

Allez, vous reprendrez bien encore un petit chocolat ? En espérant qu’on ne vous a pas coupé l’appétit, car ce n’est pas le but. Vivons, soyons heureux, mais soyons vigilants.

8 mars, journée internationale des droits des femmes (Édito : mars 2025)

Le 8 mars 2025 a eu lieu, comme tous les 8 mars depuis 1977 (date de son officialisation par les Nations Unies), la journée internationale des droits des femmes.

Depuis 1977 ? Depuis… 48 ans donc. Que s’est-il objectivement passé dans ce laps de temps en termes d’avancée des droits des femmes ? En vrac : les femmes sont entrées à l’Académie française, au Panthéon, des femmes ont été Première ministre, le viol a été criminalisé, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes a été inscrite dans la loi, de même que la parité hommes/femmes en politique, le congé parental est accessible à chacun des époux à égalité, les noms de métier sont féminisés, le congé de paternité est de droit, le nom de famille est choisi librement par le couple, MeToo a mis quelques pendules à l’heure, les couples de femmes ont accès à la PMA, le droit à l’IVG est inscrit dans la Constitution française, etc.

Alors, non, on ne peut pas dire que la cause des femmes ne progresse pas. Non, bien sûr que non. Et pourtant… L’égalité des salaires n’est pas pour demain, y compris dans la fonction publique où le plafond de verre interdit une égalité de fait, même si elle est inscrite officiellement dans les barèmes. Le harcèlement de rue est un sport toujours très en vogue. Trop de femmes continuent à mourir sous les coups d’hommes qui ne comprennent pas qu’une femme puisse être libre. Au quotidien la charge mentale domestique est toujours assumée pour l’essentiel par les femmes, ce qui les pénalise professionnellement, etc.

Alors, non, on ne peut pas davantage dire que la cause des femmes a progressé comme elle l’aurait dû. Non, bien sûr que non. Le chemin est encore très long, les retours de balancier sont, seront très violents : avec des masculinistes tels que Trump, Vance, Poutine et d’autres, on n’a pas fini de rigoler… L’invisibilisation des femmes est encore trop souvent une réalité et la culture du petit coq chez nombre de jeunes, moins jeunes, vieux, est malheureusement loin d’avoir disparu.

Faut-il se désespérer pour autant ? Non, toujours non, mais cent fois sur le métier remettre son ouvrage : éduquer, éduquer, éduquer nos jeunes, les garçons comme les filles. Ne pas se laisser impressionner par les attaques sournoises des fachos – « L’éducation sexuelle à l’école ? C’est dangereux ! On apprend aux garçons qu’ils sont des filles ! » , fachos qui ont de la dignité de la femme une idée… très personnelle. Ne pas accepter les attaques tout aussi sournoises du capitalisme… Eh oui, genrer les jeux par exemple, c’est deux fois plus de ventes ! Pareil pour les objets du quotidien : des rasoirs pour femmes qui coûtent deux fois plus cher que ceux pour les hommes… pour exactement le même service rendu : couper un poil.

Le combat est encore long, mais il vaut la peine : un monde débarrassé du patriarcat, du capitalisme, du fascisme, ça vous dit ?

Si la BNP nous était contée…

Etablir son empreinte carbone est devenu très tendance. BNP Paribas propose ce service sur son site web et fournit aux utilisateurs des conseils pour améliorer leur impact sur l’environnement. Car elle a le souci de l’environnement : « Évaluation de l’empreinte carbone : 1ere marche vers la décarbonation » peut-on lire sur son site web. Communication, communication…

De quelle manière BNP Paribas emprunte-t-elle cette « 1ere marche » ? Plusieurs organismes ont entrepris d’évaluer l’empreinte carbone de la si vertueuse banque. Si leurs chiffres diffèrent quelque peu, ils se rejoignent sur l’essentiel : la BNP a une empreinte carbone supérieure à celle d’un pays comme la France ! Si si, vous avez bien lu : la France en-tiè-re, avec toutes ses entreprises et ses plus de 68 millions d’habitants. Sont pris en compte dans cette évaluation  les activités propres de la banque – environ 200 000 employés –, mais aussi et surtout les projets qu’elle soutient et les financements qu’elle accorde aux entreprises, aux États et aux particuliers.

Elle finance ainsi largement l’agro-industrie. Mais c’est dans le secteur de l’énergie qu’elle excelle : il concerne près de la moitié de ses financements, pour l’essentiel dans les énergies fossiles (pétrole et gaz). Elle détient même la palme du premier soutien des projets d’énergies fossiles auprès des huit plus grandes compagnies pétrolières et gazières  européennes et nord-américaines. Et porte donc une lourde responsabilité dans la crise climatique en cours.

C’est ce qui a amené trois associations – Oxfam France, Notre Affaire à Tous et Les Amis de la Terre – à assigner BNP Paribas en justice en 2023, après que celle-ci est restée sourde aux tentatives de dialogue que ces associations avaient menées pour que la banque cesse de soutenir les nouveaux projets pétroliers et gaziers. Qu’une banque doive répondre devant la justice pour ses investissements et financements constitue une première mondiale ! Cela a permis quelques avancées : la BNP s’est par exemple engagée en 2023 à cesser le financement de projets « de développement de nouveaux champs pétroliers et gaziers ». Mais il faut relativiser, car les investissements directs (acquisition d’actions par exemple) représentent moins de 5% de son financement dans les énergies fossiles. Elle peut ainsi sans se dédire continuer à financer les entreprises qui interviennent dans l’expansion du secteur.

Autre domaine où la BNP est très active à travers ses financements : celui de l’armement. Elle est le principal bailleur de fonds européen des entreprises qui fournissent l’armée israélienne, et a participé à une levée de fonds de l’État d’Israël quelques mois après le début du conflit à Gaza : l’ensemble représente plus de 5 milliards d’euros. Elle contribue donc largement à financer la guerre que le gouvernement israélien mène contre le peuple palestinien. Les déclarations de la banque sur ses démarches éthiques ou autres activités vertueuses ne pèsent pas lourd face à cet état de fait.

Ne serait-il pas temps d’instaurer une régulation publique pour encadrer les activités des banques, afin que cessent enfin ces investissements qui participent activement aux malheurs du monde ?

« La banque d’un monde qui change » est le slogan de la BNP. Au regard de ses activités, il serait d’utilité publique de « changer de banque pour changer le monde ».

La sécurité sociale alimentaire, une utopie ?

Restos du cœur, restaurants municipaux destinés aux SDF, collectes alimentaires à l’entrée des supermarchés… Et si tout cela devenait obsolète parce que, tout simplement, le droit à une alimentation correcte serait, comme le droit à la santé, couvert par la Sécurité sociale ? Pour rappel, notre Sécurité sociale est issue des travaux du Conseil National de la Résistance qui, en 1944, proposait dans son programme un « plan complet de Sécurité sociale visant à assurer, à tous les citoyens, des moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail ».

Parce que le droit à l’alimentation est en péril : les aliments coûtent de plus en plus cher, et de plus en plus de gens se serrent la ceinture, voire ne mangent pas à leur faim. Ou mangent mal : la malbouffe ne coûtant pas cher, elle devient quotidienne pour nombre d’entre nous. Avec des dépenses de santé de plus en plus importantes pour la collectivité, à cause des pathologies, parfois lourdes, induites par ce type d’alimentation. Et tout cela se passe en France. Et ce n’est pas seulement dû à la pauvreté ou la précarité.

Mettre en place une Sécurité sociale de l’alimentation – financée comme la Sécurité sociale santé par des cotisations sociales payées par les employeurs et les salariés – permettrait à tout le monde, quels que soient nos revenus, d’être correctement alimenté. La nourriture bio, saine et locale cesserait d’être un luxe pour devenir le minimum auquel nous aurions toutes et tous un droit inconditionnel.

Parce que si la solidarité nationale coûte cher, ne rien faire coûte encore plus cher. Et  si la solidarité nationale coûte cher, ce sont les générations à venir qui en profiteront, dans une société où les gens seront bien soignés et bien nourris. Ça vaut le coup, non ?