Les propositions de contre-budgets par les groupes d’opposition en réponse aux projets de lois de finances des gouvernements sont devenues un rituel désormais bien établi en France.
Le Rassemblement National, en quête de respectabilité et voulant paraître prêt à diriger le pays avec sérieux et responsabilité, s’est plié pour la première fois à l’exercice, pour faire pièce au budget du gouvernement de Sébastien Lecornu.
Alors que celui-ci prévoit 30 milliards d’économies, le RN s’affiche plus ambitieux avec ses 36 milliards, en faisant un subtil distinguo entre dépenses « inefficaces » et « inutiles ». Dans les dépenses « inefficaces », il inclut celles qui sont liées à l’immigration, à laquelle il s’agit de mettre un brutal coup de frein, et à l’Union européenne, dont il juge la contribution française beaucoup trop élevée ; dans les dépenses « inutiles », il cible en particulier les associations « ne relevant pas de l’intérêt général », un « intérêt général » dont on sent bien le fumet xénophobe, raciste et antisocial. En tant que parti d’extrême droite, il fait donc preuve d’une grande cohérence idéologique.
Mais il y a une autre grande victime de ce contre-budget : l’écologie. Que le RN n’ait pas de tropisme écologique, on le savait déjà : il préfère le brun au vert. Mais c’est tellement plus clair quand c’est écrit et chiffré noir sur blanc. Voyons cela un peu plus en détail.
Premières cibles dans le viseur : les agences publiques environnementales, ces empêcheuses de tourner en rond. Le RN prône la suppression de l’OFB (Office français de la biodiversité), de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), de l’Agence Bio (de son vrai nom, Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique), du Fonds vert pour la transition écologique, et il préconise une forte réduction du budget de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l ‘alimentation, de l’environnement et du travail), des agences de l’eau et des parcs nationaux. La plupart des associations environnementales sont également sur la sellette, car selon le RN elles ne relèvent pas de l’intérêt général. On ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec les Etats-Unis, où les coupes sombres de Trump concernent tous les secteurs touchant à l’environnement et à l’écologie.
Aux journalistes souhaitant avoir plus de détails sur les associations dans le collimateur du RN, Marine Le Pen a rétorqué : « Vous aurez la liste complète quand nous serons élus. » Autrement dit : « Votez d’abord, vous verrez bien ensuite. » Gageons que, dans son esprit, cette liste sera argement étendue si par malheur ils devaient arriver au pouvoir.
L’offensive du RN contre l‘écologie ne s’arrête pas là, loin s’en faut ! Petite revue de détail non exhaustive de ses autres propositions en la matière :
– les « inefficaces » énergies renouvelables, d’origine éolienne ou solaire, indispensables dans l’optique de la transition écologique, sont vouées à être remplacées par le nucléaire ;
– le Plan Vélo, dont le but est de faire du vélo et de la marche une alternative à la voiture individuelle, est « inutile », et doit donc être abandonné ;
– la taxe de 2 € sur les petits colis (Amazon, e-boutiques, géants de la fast fashion), qui pénalise l’envoi dans le monde entier d’articles à bas prix, est elle aussi « inutile » ;
– il en est de même de la taxe sur les bouteilles et emballages plastiques, dont le but louable est pourtant de limiter leur utilisation ;
– le dispositif MaPrimeRénov, qui avait été créé pour inciter les particuliers à mieux isoler leur logement, doit être supprimé ;
– la récente hausse des taxes sur le secteur aérien, qui visait à freiner le développement de ce moyen de transport très énergivore, doit être annulée ;
– exit le malus automobile, qui pénalise l’achat de véhicules polluants et se veut donc dissuasif à cet égard ;
– cerise sur le gâteau : le RN veut favoriser partout la climatisation : « C’est vrai, à la fin ! Y en a marre d’avoir chaud en été et froid en hiver… »
Avec un tel train de mesures, le Rassemblement National se positionne clairement comme le premier parti antiécologique de France.