Le budget Lecornu (Édito – octobre 2025)
Un budget sucré/salé ? C’est ce qu’a annoncé Sébastien Lecornu en ouverture de la discussion budgétaire, recourant donc au lexique gustatif… peut-être assez malvenu pour parler de ce qui ne donne pas tellement envie de saliver. Donc, du sucré et du salé. Une mesure « sucrée » avec la suspension de la réforme des retraites, des mesures « salées » avec des tours de vis sociaux et des hausses d’impôts.
Mais, quitte à rester dans la métaphore gustative, le sucré ne vaut pas mieux que ces faux sucres qui firent fureur un temps, puisqu’il ne s’agit que d’une suspension… Ce qui signifie que dans un avenir qu’on devine très proche, cette réforme des retraites dont une large majorité des Français.e.s ne veut pas nous sera imposée et que nous n’aurons pour seule alternative que d’acquiescer ou dire oui. Donc en fait il n’y a que du salé dans ce budget : une réforme des retraites qui plane, toute prête à s’abattre à la première occasion, des tours de vis sociaux et des hausses d’impôts… Encore que le terme « salé » est tout à fait injuste pour ce condiment essentiel : imagine-t-on une seconde un roquefort sans sel, des pâtes sans huile d’olive ni… sel ?
Certes, le déficit ne baisse pas et la dette augmente. Mais comment avons-nous pu passer d’un montant de dette de 2.200 milliards en 2017 (année où Emmanuel Macron a succédé à François Hollande) à 3.300 milliards aujourd’hui ? Bref, comment avons-nous pu augmenter notre dette de 50 % durant les années Macron ? Certes il y a eu la période Covid et son « quoi qu’il en coûte », mais seuls 165 milliards lui sont imputables.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Au point que notre budget semble n’avoir pour fonction que d’éponger une dette abyssale en taillant dans le social et l’écologie.
En juin dernier un rapport sénatorial a dévoilé le premier, le tout premier poste de dépenses de l’État. L’aide aux plus démunis ? Allons, point de fausse naïveté ! Alors les armées ? Après tout, la guerre est, pour ainsi dire, à nos portes et nous avons un devoir de solidarité à l’égard du peuple ukrainien. On avait dit : point de fausse naïveté ! L’éducation ? La santé ? En particulier la santé mentale des jeunes déclarée grande cause nationale ? Eh bien, non.
Le tout premier poste de dépenses de l’État, c’est l’aide aux entreprises, à raison de 211 milliards d’euros annuels. Aux grandes entreprises, pour l’essentiel. De l’argent facile, versé sans aucun contrôle, et dont on peine à croire qu’il serve à créer des emplois ou augmenter les salaires.
L’hôpital, l’école, les transports, l’écologie, la justice se partagent un peu plus de 300 milliards alors qu’aucun de ces cinq secteurs (pour ne citer qu’eux) ne va bien, alors que l’hôpital suffoque, que l’école est à la peine, que nos dirigeants n’ont cure de l’écologie qui devrait être une urgence absolue, vitale, essentielle !
Donc les impôts vont augmenter. Très bien ! Nous, à ATTAC, on est pour l’impôt ! pour la participation de tous et toutes à l’effort commun ! mais à proportion des moyens de chacun et chacune, bien sûr. C’est ce « bien sûr » qui semble faire furieusement défaut à nos dirigeants. Car quel est le taux effectif d’imposition des Français.e.s ? Tout dépend de « selon que vous serez puissant ou misérable » (eh oui, les choses n’ont guère évolué depuis La Fontaine). Si on prend en compte l’ensemble des revenus des ménages français, voilà comment « l’effort commun » se répartit : les 370 ménages les plus riches de France payent 27 % de leurs revenus ; les ménages des classes moyennes et populaires payent… 52 % de leurs revenus.
En clair : si vous êtes riche, vous payez proportionnellement deux fois moins que si vous êtes pauvre. Inversé, ça donne ça : si vous êtes pauvre, on vous demande de vous priver de ce qui vous est nécessaire, si vous êtes riche, on entame à peine votre superflu.
Non, ce budget n’est ni salé, ni sucré, il est juste indigeste.