La croisée des chemins
La réalité du changement climatique, dont le principal marqueur est un réchauffement global lié aux activités humaines, ne fait plus guère débat aujourd’hui au sein du monde scientifique. Le climatoscepticisme a perdu toute crédibilité devant l’évidence des faits. Le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC), qui a été créé en 1988 et regroupe des scientifiques et des représentants des États participants, a publié récemment son dernier rapport, scindé en 3 volets parus séparément à quelques mois d’intervalle. Et pour la première fois les experts du GIEC sont formels : la responsabilité des activités humaines dans le réchauffement climatique est « sans équivoque ». Mais avant de voir un peu plus en détail le contenu de ces 3 volets, voici un très court rappel des précédentes parutions.
Le premier rapport remonte à 1990 : il établit le constat d’un réchauffement global du climat, lié probablement à l’émission de gaz à effet de serre par les activités humaines.
Le deuxième rapport de 1995, qui a servi d’outil de travail pour l’établissement du protocole de Kyoto, confirme la probable origine anthropique du changement. Il est publié dans la forme qu’il gardera par la suite : un premier volet qui contient les éléments scientifiques factuels, un second volet qui traite des impacts et de l’adaptation aux changements, et un troisième volet s’adressant plus particulièrement aux décideurs, qui liste les moyens d’atténuer les changements.
Ce n’est qu’à partir du troisième rapport, publié en 2001, que les médias s’emparent réellement de la question climatique, alors que le rapport souligne la rapidité sans précédent des changements en cours.
Le quatrième rapport de 2007 lève les derniers doutes des précédents rapports : le réchauffement climatique est cette fois établi avec certitude, avec notamment pour conséquences inévitables une multiplication et une intensification des phénomènes météorologiques extrêmes.
Le cinquième rapport de 2014 insiste sur la nécessité de réduire le recours aux combustibles fossiles. Il a inspiré les principaux engagements pris par les pays signataires lors de la COP 21, qui s’est déroulée à Paris en 2015. Engagements qui, soit dit en passant, sont restés en grande partie lettre morte dans la pratique.
Ceci nous amène au 6e et dernier rapport en date, dont le 1er volet a été publié en août 2021. Il indique qu’avec la trajectoire actuelle, le seuil crucial des +1,5°C sera atteint vers 2030, alors que les précédents rapports le situaient plutôt vers 2040. Les changements sont donc plus rapides que prévus, ce qui implique de plafonner les émissions de gaz à effet de serre (GES) en 2025 au plus tard, pour pouvoir respecter ce seuil de +1,5°C. Les conséquences seront alors graves, mais resteront encore contrôlables et l’humanité pourra mettre en oeuvre des mesures d’adaptation. Les 3 années à venir seront donc décisives. Le deuxième volet, publié en février 2022, détaille les conséquences liées au dépassement de ce seuil, en terme par exemple d’évènements météorologiques extrêmes, d’acidification des océans et de montée des niveaux marins, ou encore de perte de biodiversité. Ces conséquences seront extrêmement graves, et pour certaines, irréversibles au moins pour les quelques siècles à venir. Il s’agirait d’un véritable saut dans l’inconnu, avec le risque probable d’un emballement incontrôlable aux conséquences catastrophiques . La moitié de l’humanité – et parmi celle-ci les populations les plus défavorisées sont les premières concernées – vit actuellement dans des régions considérées comme très vulnérables face aux changements en cours.
Le troisième volet, publié en avril dernier, propose des solutions pour limiter les conséquences du réchauffement. Elles concernent tous les domaines qui organisent notre mode de vie, de production et de consommation : l’énergie, l’agriculture, l’industrie, les transports, les loisirs… . Il s’agit en tout premier lieu de limiter drastiquement le recours aux énergies fossiles au profit des énergies renouvelables, mais aussi de réformer en profondeur nos modes de vie et d’alimentation. Par ailleurs, le rapport insiste aussi, et c’est nouveau, sur l’importance de la question sociale pour permettre une transition juste qui puisse être acceptée par tous. Pour atteindre ces objectifs, l’action collective, à travers une indispensable coopération internationale, sera nécessaire et devra concerner tous les niveaux : état, entreprise et individu.
Bref, ce troisième volet du rapport suggère la nécessité d’un changement en profondeur du système, entrant ainsi en résonance avec les combats que mène ATTAC.
Nous sommes à la croisée des chemins : si nous ne nous montrons pas capables d’enclencher sans plus attendre la dynamique préconisée par le GIEC, nous compromettons l’espoir d’un avenir vivable pour l’humanité.